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Névé le chien qui devint coyote 1/5

Publié le par HITOYUME

PAS SI BETE

 

Frank Mason cheminait au clair de lune, portant sur ses épaules un sac de toile. Il revenait d'une maison voisine et se dirigeait vers sa ferme. Le sac, renflé à son extrémité, contenait un petit chiot de berger, minuscule boule fauve et pleurnichante. La bande blanche qui s'étendait depuis le milieu de ses oreilles jusqu'à la truffe noire comme jais avait conduit le fermier à nommer le chiot "Névé". En dépit de ses efforts pour être brave, les geignements du petit chien ne firent qu'augmenter.
Mason s'arrêta et souleva doucement le chiot hors du sac :
- Bien sûr, je comprends que tu trouves la vie dure, mon petit. Mais prends-la avec le sourire, tu oublieras vite tes frères et soeurs que tu vien de quitter. Tu verras comme tu aimeras ta nouvelle maison. En arrivant, tu auras droit à une soucoupe pleine de lait chaud.
Névé ne comprit pas le sens de tous ces mots, mais il sentit que l'homme lui parlait avec affection. Il se blottit dans les grandes mains du fermier et lécha le doigt le plus proche de son museau. Mason le serra sous son bras :
- Tu sembles ne pas aimer être enfermé dans ce sac. Eh bien ! je vais te porter comme ceci. Là, es-tu mieux ?
Névé poussa un petit jappement de joie et dressa les oreilles pour écouter un aboiement aigu, suivi d'un long hurlement .
- C'est un coyote, lui dit Mason, un petit chien sauvage en quête de son dîner. Tu as beaucoup plus de chance que lui, même si, pour le moment, tu regrettes ta mère.
Névé aimait beaucoup entendre parler Mason. Il aimait la chaleur de son corps et ses caresses affectueuses. L'homme et le jeune chien atteignirent bientôt le sommet du ravin dans lequel se trouvait le ranch de Mason. Névé perçut quelques boeufs allongés à côté d'un ruisseau et, au-delà, deux bâtiments de bois et plusieurs enclos à bestiaux.
- Voici ta nouvelle maison, Névé, lui dit Mason. Elle ne ressemble pas à grand-chose, mais tu l'aimeras vite.
Comme un écho à la voix de Mason, un long hurlement se répercuta dans la vallée. Névé sentit l'étreinte de son maître se resserrer, et son corps se raidit. La voix de Mason n'était plus aussi affectueuse quand il parla de nouveau.
- Cette fois-ci, ce n'est plus un coyote, mais un vieux loup solitaire qui en veut à mon bétail. Il faut que j'aille chercher un fusil...
Mason remit Névé dans le sac et descendit en courant vers un des bâtiments, ouvrit rapidement la porte, posa le sac sur le sol, décrocha un fusil et se précipita dans la cour extérieure. Névé trouva l'ouverture du sac défaite et suivit l'homme. L'appel du loup retentit de nouveau et Mason s'élança dans sa direction. Le petit chien suivit son maître aussi vite qu'il le put à travers le pré. Il apercevait par moments le fermier, mais se dirigeait surtout grâce à son odorat.
Lorsque enfin le jeune chien, éreinté, atteignit la crête opposée, Mason avait disparu. Névé était tout à fait certain de retrouver son ami en continuant à dévaler le talus et, de plus, il était plus facile de descendre une colline que de l'escalader. Le chiot poursuivit donc sa course, s'éloignant des soins et de la bonté de Mason pour s'enfoncer dans la terre des êtres sauvages.
Il entendit soudain le claquement sec d'un fusil, à quelque distance, mais il était trop jeune pour comprendre que Mason tirait sur le loup.
De toute façon, il n'aurait pu aller aussi loin. Comme il ne savait exactement que faire, Névé descendit dans une autre vallée. Il s'asseyait parfois à l'abri d'un fourré de sauge, pour se reposer un instant. Il se sentait désespérément seul et, en outre, il avait très faim, mais il ne voyait pas comment y remédier. Tout lui semblait étrange. Les senteurs mêmes étaient entièrement différentes de celles qu'il avait toujours connues.
Il trouva enfin un trou, creusé sous les racines d'un cèdre rabougri, autour duquel flottait une odeur de chien. Peut-être pas tout à fait l'odeur dont il avait l'habitude, mais c'était toujours mieux que rien. Il avança jusqu'à l'entrée de la tanière et en examina l'intérieur. Il aperçut dans le fond trois chiots, à peu près de la taille de ses propres frères et soeurs. Ils étaient blottis les uns contre les autres et dormaient profondément. Névé ignorait que ce fussent des coyotes et, en tout cas, il était trop fatiguéet trop affamé pour choisir sa compagnie. Il se glissa entre deux d'entre eux et s'endormit.
La mère coyote ne revint chez elle que vers minuit. Elle rapportait un lapin. La chasse avait été dure, cette nuit-là, car les loups étaient de la partie. Aussi était-elle rentrée beaucoup plus tard que d'habitude. Elle jeta le lapin à l'entrée de la tanière et huma l'air. Quand l'odeur de chien lui parvint, elle grogna et plongea dans l'antre. Mais comme Névé était profondément endormi, il ne pouvait rien faire pour exciter la colère de la mère coyote; au bout de quelques minutes, celle-ci se coucha près des jeune animaux et s'endormit. Elle avait perdu deux de ses petits deux jours auparavant, et il lui importait peu au fond d'héberger ce nouveau pensionnaire.
Névé s'éveilla en même temps que les petits coyotes et partagea leur déjeuner. Il n'était pas très satisfait de tous les changements survenus dans sa vie. Mais, comme il ne voyait pas la possibilité de revenir chez lui, ni même dans la ferme de mason, il ne lui restait qu'à tirer le meilleur parti de sa situation.
Le jour suivant, la mère coyote resta à proximité de la tanière; lorsque le vieux Grappin, l'épervier qui avait emporté ses deux petits survola la vallée, elle lança un bref aboiement, et les trois petits coyotes rentrèrent précipitamment. Névé ignorait ce signal, mais, quand il vit courir ses nouveaux amis, il s'élança aussitôt sur leurs talons. Il se montra si obéissant que sa mère nourrice le prit en affection.


A SUIVRE

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T
il a eu de la chance dans son malheur
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