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moi... Jigoro Kano (146)

Publié le par HITOYUME

REMARQUE : ce récit est tiré d'une thèse sur Jigoro KANO d'Yves CADOT, 43 ans, 5ème dan de judo, docteur de l'Université de Paris. Maître de conférence à l'Université de Toulouse.


LA GUERRE DE 15 ANS


On appelle Guerre de 15 ans la succession pour le Japon de conflits armés, de l'incident de Mukden (18-09-1931) à la défaite de la Guerre du Pacifique (15-08-1945), suite à laquelle le pays sera occupé par le Commandement suprême des forces alliées (GHQ-SCAP), de septembre 1945 à avril 1952.
Au cours des crises qui jalonnent les années 1920, le gouvernement va peu à peu se rendre compte que le judo et le kendo, loin de se limiter à des gymnastiques, peuvent servir la politique de défense du pays en cas de conflit. Cela aboutira à ce que, dès 1931, de "possibles", le judo et le kendo deviennent obligatoires au collège.
En 1936, ils seront rejoints par le kyudo (arc), accessible aux filles, et par le naginata (lance), réservé à celles-ci. En 1941, les "budo" (sans plus de précision) deviennent obligatoires pour tous (les filles peuvent toutefois en être dispensées).
Le gouvernement s'appuie aussi sur les acteurs civils pour relayer sa politique et notamment la Butokukai, dont l'école, Busen, devient le fer de lance de la politique militariste : dès 1929 est ajoutée au programme "la formation militaire" (kyoren) alors que celle-ci, discipline à part entière, devait, depuis 1925, être enseignée par des militaires en exercice, tandis qu'en 1934 un centre de formation en une année au naginata est adjoint à l'école, anticipant son enseignement obligatoire deux ans plus tard.
Accentuant la tendance, le gouvernement crée, fin 1939, la Commission de promotion des budo (budo shinko iinkai), organe consultatif du ministère de la Santé et des Affaires sociales et de celui de l'Education. Dès 1940, les déclarations de ses membres sont sans équivoque :
"Les budo sont un moyen d'attaque et de défense dont dépendent la vie et la mort face à l'ennemi : ce ne sont ni de simples méthodes de renforcement du corps et de l'esprit, ni des sports".
La politique gouvernementale et celle de la Butokukai finiront de se confondre quand Tojo Hideki (1884-1948) prendra la présidence de cette dernière en mars 1942, remplaçant les membres du bureau par ceux de son cabinetr et treansférant le siège du Butokukai de Kyoto au ministère de la Santé et des Affaires sociales. Relais de la propagande militariste gouvernementale au travers des branches locales, cette année-là, l'Association dépassera les 2 200 000 membres.


QUEL BILAN ?


La Butokukai devait promouvoir les budo mais, phagocytée par le gouvernement du Japon en guerre qui les avait rendus obligatoires, encourageant l'esprit de combat, de sacrifice, ils n'apparurent aux yeux du SCAP que comme une méthode de formation de nationalistes fanatiques et, dès novembre 1945, ils furent interdits dans le cadre scolaire. Quant à la Butokukai, ses ambitions comme ses discours étant devenus inextricables de ceux de ce gouvernement, elle sera dissoute en novembre 1946. Il ne restait plus à Busen, privée de son aile martiale, que sa formation en lettres : elle tenta de survivre, devenant l'Ecole spécialisée en lettres de Kyoto, avant de fermer en janvier 1947.
La Butokukai est donc née d'une guerre, morte d'une autre, et son école avec elle. Si on se fie à son nombre d'adhérents, la Butokukai apparaît comme un succès incontestable. Pourtant, à y regarder de plus près, ces chiffres cachent une réalité plus mitigée : la revue de l'Association estime, en 1909, que pas plus de 1/10è voire 1/100è des cotisants ne pratiquait. Quant aux personnes qui fréquentent les cours, il ne s'agit guère que des policiers auxquels s'ajouent, à Kyoto, les élèves de Busen.
Busen, une école d'élite, certes, mais qui n'a sorti que très peu de professeurs et qui, malgre la quasi-gratuité de son enseignement, ne parvenait pas à remplir ses promotions. Accusée d'ailleurs de n'attirer que les plus pauvres, elle dut renoncer à sa gratuité en 1921 pour faire taire la critique.
Busen, une école où la pression mise sur les élèves n'a fait que s'accroître à mesure que les temps se durcissaient. Connue pour sa sévérité, la formation de l'esprit a souvent été prétexte aux brimades, créant une tradition avec laquelle le judo universitaire d'après-guerre aura vite fait de renouer. Dans l'entraînement certes, mais pas seulement : il y avait ainsi une fois par mois "réunion de bilan" (hanseikai) où les étudiants de 4è année sermonnaient leurs cadets, en seiza pendant deux heures, les frappant pour tout manquement à quelque règle que ce soit.
Mais... le judo dans tout ça ?


A SUIVRE

DE GUERRE LASSE


Il fut un grand guerrier, il avait passé sa vie à se battre, souvent  vainqueur, rarement défait, et promu aux grades successifs jusqu'au plus élevé. Quelques jours seulement auparavant, il avouait encore à son chef d'état-major, qu'il avait fait tout cela pour sa patrie, mais aussi pour donner un sens à sa vie. Un incroyable nombre de guerres et de batailles avait fait de lui un héros, un modèle que même les plus ardents pacifistes avaient fini par admirer. Comble de malséance pour un soldat de son rang, il se mourrait dans son lit, l'âme et le corps usés prématurément. C'était un lit de camp, dans un camp retranché, et cet homme se mourrait de guerre lasse, celle que personne ne gagnerait jamais, car à ce moment précis, il redevenait un mortel comme tous ceux qui l'avaient précédé vers le trépas à cause de cette seule idée. Oui, il comprenait à présent le sens de la vie, ce sens unique, et il n'était pas plus avancé que tous ceux qui avaient péri à cause de lui. Il était même moins avancé pour la bonne raison qu'il y avait de sacrés embouteillages, qu'il était pris dans une congestion qui semblait ne jamais finir, par sa faute. Telle fut la dernière correction de ce glorieux sabreur qui finit tout de même par laisser ses guêtres après une agonie interminable.

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T
Ils ont dû admettre que les armes modernes pouvaient faire gagner une guerre, et les pratiques des sports de combat se sont restreintes aux seuls intéressés !<br /> Peut on vraiment dire qu' il y a des morts glorieuses ?
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