au moment d'écrire ces lignes
u moment d’écrire ces lignes, la guerre occupe tout notre quotidien. Dans l’intensité des événements, on dirait que la sensation d’inquiétude, d’impuissance et de terreur envahit tout. Ces sentiments ne semblent laisser de place à rien d’autre. Ils nous donnent la sensation que, de chez nous, nous ne pouvons rien faire et nous renvoient soudain et pour un moment à notre insignifiance en tant qu’individus face aux grandes forces de l’histoire et du destin. J’espère, lorsque vous lirez ces lignes, que le pire sera ^passé, que les armes se seront enfin tues, que la tyrannie aura été laissée derrière et que les peuples seront revenus à leur vie quotidienne. Beaucoup de personnes auront perdu la vie, beaucoup d’hommes courageux auront été blessés, beaucoup d’innocents resteront pour toujours marqués par une expérience lourde de séquelles. La guerre, Eris, (je ne me fatiguerai pas de le dire) est, en réalité, la force de répulsion, opposée à l’amour, la force d’attraction. L’une et l’autre gouvernent l’univers et l’une n’existe pas sans l’autre. Il y a de nombreux niveaux de répulsion, depuis l’antipathie ou simplement le mécontentement, jusqu’à l’agression. Tout cela, c’est la guerre. De fait, j’ai vu ces jours-ci comment la moitié du monde faisait, dans la rue, la « guerre à la guerre ». Tout n’est pas, en fait, une « déclaration de guerre ». Mais le rejet est lui-même Eris. Ce que nous appelons paix est simplement l’absence de guerre ou, ce qui revient au même, un éventuel état d’amour supérieur associé à un état de répulsion. Dans la plupart des cultures de la planète Eros, le « oui » se manifeste par un mouvement d’assentiment de la tête de haut en bas. Ce mouvement, tout comme le traditionnel salut oriental d’inclinaison ou le geste de prière en joignant les mains, représente l’unification du ciel et de la terre. Les rares exceptions à cette règle se retrouvent dans les cultures des steppes ou des grandes plaines comme chez les Pygmées car pour eux, le ciel et la terre sont unis par la ligne de l’horizon. La guerre est une alternative (elle l’a été et le sera), la seule possible pour résoudre la gestion d’un conflit, d’un antagonisme qui ne parvient pas à être résolu par d’autres moyens. Le conflit se transforme en bataille lorsque se rompt la barrière, le contrepoids d’Eros, lorsque la tension croît et que se perd tout soupçon de compréhension et d’acceptation des parties. Personne ne peut dire toujours « oui » ou toujours « non ». Je me souviens de ce conte du « cheval des milles Li » qui illustre la version de « l’art de la guerre » de Sun Tsu. Pour l’Empereur du conte, le territoire était la seule chose qui ne pouvait être négociée, car il est le fondement de l’Etat. Ainsi, lorsque ses voisins lui demandent le meilleur de ses chevaux, celui qui est capable de courir milles lieues sans se fatiguer, il le leur envoie ; lorsqu’ils lui demandent les princesses, il les leur remet ; mais lorsqu’ils lui demandent les terres sauvages et incultes situées aux frontières, il convoque son armée et attaque ses adversaires. Pour nous tous, il y a une limite et nous utiliserons éventuellement la guerre comme voie de solution. Et celui qui affirme le contraire est un ignorant, un cynique bien pensant ou simplement, il n’a jamais eu l’occasion de se connaître lui-même.