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dans les années 60

Publié le par HITOYUME

Dans les années 60, en Occident, les arts martiaux se sont développés et sont même devenus très florissants. Cependant, dans de nombreuses disciplines, la tradition a cessée d’appuyer l’apprentissage des élèves, elle a vu son influence de plus en plus réduite. Cette tradition a même le plus souvent cédée la place à un commerce bien pensé, fondé sur un échange d’intérêts entre élèves et professeurs.
Et c’est là que quelque chose d’essentiel c’est perdu.
Pour comprendre le processus d’apprentissage des arts martiaux, il peut être utile d’examiner la relation traditionnelle entre le maître et le disciple puisque c’est dans cette relation même que se trouve la clé du succès ou de l’échec de l’enseignement.
Si on y réfléchit, aujourd’hui encore, l’étudiant devrait au moins, considérer le maître comme un homme qui a acquis un savoir et qui est susceptible de le lui enseigner, tout comme le maître devrait au moins considérer l’élève comme un individu capable de recevoir ses enseignements et animé de la volonté de développer son habileté dans l’art auquel il s’est lié. Cela paraît tomber sous le sens ? Regardez autour de vous …
Tout le monde a entendu, sans y prêter peut-être réellement attention, ces récits qui racontent comment les maîtres du passé soumettaient les solliciteurs à de dures épreuves de patience, de force et de courage avant de oles accepter comme disciples. Il fallait effectuer pendant deux ans de multiple tâches ménagères dans la maison du maître avant que celui-ci n’accède à la demande pressente du « jeune fou » qui voulait apprendre de lui. Maître Ueshiba, fondateur de l’aikido, soumettait encore le ou les candidats à son enseignement à un affrontement sévère avec lui. L’attitude, la volonté et le courage durant cet affrontement déterminaient l’acceptation ou non du maître à l’intronisation du nouvel aspirant à fréquenter le dojo.
Ces façons de faire permettaient aux maîtres circonspects (et non demandeurs) d’évaluer le potentiel de ceux qui prétendaient vouloir apprendre, et notamment l’ego de l’élève, sa force morale, son éthique, qui sont au cœur de la notion d’apprentissage … aujourd’hui comme hier. Des méthodes comme celles-là sont évidemment impensables dans les écoles d'aujourd'hui.
L’étudiant d’aujourd’hui n’a jamais conscience de l’enjeu. Le professeur presque jamais.
Les maîtres du passé préparaient leurs élèves physiquement, mentalement et spirituellement afin qu’ils puissent recevoir et comprendre leurs enseignements. Aujourd’hui, par exemple, quand un étudiant reçoit la ceinture noire, il la reçoit souvent comme l’aboutissement de son parcours. Traditionnellement, obtenir la ceinture noire signifie seulement que l’élève est apte pour commencer « d’apprendre à apprendre ». Il a compris quelles étaient l’attitude et la conduite à avoir. Il a démontré son potentiel qui n’est pas seulement d’ordre physique. Il commence simplement à progresser dans son apprentissage en fonctions de ses capacités et de ses efforts. Aujourd’hui, c’est généralement à partir de ce moment-là que mêmes les meilleurs élèves commencent à se détendre et à se déconcentrer, croyant qu’il contrôle tout.
L’apprentissage véritable n’est que la deuxième étape de l’entraînement. Le premier pas consiste pour l’élève à s’organiser intérieurement, à essayer de comprendre quels sont les obstacles physiques et mentaux qui l’éloignent d’un véritable « début », à essayer de trouver le moyen de les faire disparaître. Si l’élève ne comprend pas cela, la frustration s’emparera de lui inévitablement. Le maître perdra un élève, ce qui n’est pas grave, l’élève perdra ce que les arts martiaux ont à lui offrir, ce qui est grave pour lui, voilà le sens de la conception traditionnelle de l’apprentissage …
Préparer un élève à être prêt à apprendre s’avère la tâche la plus difficile et la plus exaltante de la pratique, car c’est l’aspect essentiel de l’entraînement des arts martiaux. Les élèves d’aujourd’hui comme d’hier vont vers les arts martiaux avec la même attitude que celle qu’ils ont pour les autres choses de la vie. Ils y vont avec un corps et un esprit enracinés dans la confusion, la peur, l’agressivité, le désir, l’ambition … et c’est souvent certains de ces éléments qui l’ont conduit vers les arts martiaux. Il est absolument essentiel que ce ne soit pas un profiteur, habile à le nourrir de ses propres fantasmes pour raison commerciale, mais un initiateur, un « maître », qu’il trouve dans le dojo, qui lui offre une possibilité d’évoluer. Ensuite, c’est avec son seul courage que l’élève vaincra ses propres limites.
Les jeunes élèves commettent fréquemment l’erreur de décider seul comment ils vont apprendre l’art martial qu’ils ont choisi, de fixer une date pour l’obtention d’un grade déterminé … de sorte qu’avant même d’avoir enfilé leur tenue pour la première fois, ils demandent souvent : « combien de temps me faudra-t-il pour devenir ceinture noire ? ». Devant ces questions qui indiquent à quel point le nouvel arrivant s’est fixé des limites dans l’apprentissage d’un art dont il ne sait absolument rien, le profiteur se frotte les mains, l’initiateur n’a guère qu’un sourire intérieur et invite le « nouveau » à pratiquer, le laissant libre de faire, ou non, sa révolution personnelle. Alors l’élève, agité par le désir de ce bout d’étoffe sombre et le cortège d’images qui vont avec, a une petite chance de découvrir autre chose.
Les élèves doivent apprendre dès le départ, avant même de rechercher une quelconque efficacité, comment faire pour avoir l’esprit totalement ouvert et réceptif, le corps relâché . Et ce n’est pas une tâche facile ! Si le maître ne parvient pas à transmettre cela à l’élève ou si l’élève ne réussit pas cet apprentissage, le cap aura été franchement mis, et de façon irrémédiable, vers l’échec et la frustration. Les maîtres d’arts martiaux d’antan le savaient bien et avaient chacun, de façon naturelle, leur propre façon d’obtenir de leurs élèves ces éléments essentiels … et quelques autres.
Aujourd’hui, les « consommateurs » d’arts martiaux ont ce que l’on pourrait appeler une mentalité télévisuelle, ils déconnectent et changent de chaîne quand quelque chose ne marche pas. Au lieu de faire face au défi que suppose l’entraînement et le progrès, ils font ce qu’ils sont habitués de faire : attendre, zapper pour atteindre un meilleur programme. S’ils n’arrivent pas à réaliser une technique, ils s’en désintéressent et finissent, dans la foulée, par se désintéresser de l’émission toute entière : leur professeur et son art. Celui, conditionné par le monde marchand qui l’environne et ses préceptes, pressé par le besoin, ou, le plus souvent, victime de la logique implicite qui dominent actuellement les esprits, s’efforce de faire passer le message, se bat pour trouver le moyen de rendre « accessible », « ludique », « grand public », un enseignement qui n’était pas forcément destiné à l’être. Au final, le grand perdant est l’élève, le grand coupable est le professeur.
Les enfants, proches de l’esprit de la nature, sont plus intelligents que les adultes, ils savent mieux que toute chose, s’emparer de la nouveauté en copiant. Celui qui passe la porte du dojo devrait retrouver cet esprit originel, cette vigilance, cette curiosité, ce talent inné. Il devrait voir les choses comme si c’était la première fois, avec le même enthousiasme … même si la technique déjà démontrée est pratiquée.

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