l'essentiel oublie

Le coup du cerveau droit : non, ce n'est pas une technique secrète de judo ! Mais cela peut nous aider à comprendre un certain nombre de choses qui nous paraissent mystérieuses et incompréhensibles.
D'abord, pourquoi "le cerveau droit"? Que voulons-nous dire par là ?
Au cours du 19è et du 20è siècle, les études d'éminents spécialistes ont mis en lumière que le cerveau humain était scindé en deux parties... la gauche et la droite ! De plus, chacune d'elles semblait avoir un fonctionnement spécialisé et indépendant : la partie gauche étant le siège de la logique, de la raison, de l'analyse, du classement, de l'écriture, des mathématiques et la partie droite étant celui des images, de la perception globale, de l'intuition, de la situation dans l'espace, de l'imagination. D'où la dénomination de "cerveau gauche" et "cerveau droit". Cette conception est actuellement contestée par les mêmes éminents spécialistes, qui considèrent que si effectivement le cerveau a bien deux "hémisphères", ceux-ci fonctionnent ensemble et sont complémentaires, mais que... chacun semble conserver largement, sinon exclusivement, les domaines spécifiques que je viens de citer.
Voici une des conséquences de cette particularité.
Les Japonais n'écrivent pas comme nous. Leur écriture, issue directement de l'écriture chinoise, utilise non pas des mots, mais des idéogrammes, lesquels sont des signes formés à l'origine de dessins schématiques. Toutes les autres langues, à quelques exceptions près, utilisent des éléments graphiques, lettres ou signes, qui n'ont aucune signification propre et symbolisent uniquement des sons. L'assemblage de ces sons forme les mots de la langue concernée. Si par exemple nous voulons lire un mot comme "MANGER", notre cerveau effectue un certain nombre d'opérations, dont l'habitude nous fait oublier qu'il s'agit d'un processus mathémathique. Avant de comprendre, nous devons faire une série d'additions : M + A + N = MAN, puis G + E + R = GER et enfin MAN + GER = MANGER. Ces opérations mentales sont effectuées par l'hémisphère gauche de notre cerveau qui reconstitue ainsi un assemblage de sons.
Nous reconnaissons cet assemblage comme étant celui qui, dans notre langue, est associé au fait de se nourrir.
Par contre, les idéogrammes utilisés par les Chinois et les Japonais n'ont pas de sonorité propre et symbolisent des idées ou des conceptions globales. L'hémisphère gauche de notre cerveau est inopérant pour lire un idéogramme, pour la simple raison que celui-ci n'étant pas composé d'une suite de lettres, il ne peut être épelé. Image par définition, un idéogramme n'est ni un nom, ni un adjectif, ni un verbe; de plus, il est invariable, ignore le genre, le pluriel, la conjugaison. Il ne peut donc qu'être reconnu globalement... et par conséquent, par l'hémisphère droit.
"L'idéogramme chinois qui correspond au mot "vivre" est une image qui représentait à l'origine un bourgeon se formant sur les rameaux d'une plante. Ce qu'écrit ce signe, c'est une perception, la sensation que l'on éprouve lorsqu'à la vue d'un bourgeon qui éclate, on sent en son for intérieur que l'on est soi-même vivant, et donc qu'on participe au foisonnement de l'ensemble de la vie sur terre. Tout ceci est généré par l'hémisphère droit, et sa primauté dans la lecture des idéogrammes explique peut-être cette aptitude de l'esprit chinois (et japonais) à percevoir la globalité comme une évidence..."
Ces deux approches radicalement différentes de l'écriture et de la lecture engendrent forcément des réactions et des comportements différents. Il y a là une sorte de barrière culturelle, dont l'importance devrait nous inciter à chercher quelle est la "globalité" du judo pour nos maîtres ou nos partenaires japonais et à essayer de trouver quelle "sensation" déclenche chez eux les idéogrammes "hane goshi" ou "tsubame gaeshi".
Une petite intervention de notre hémisphère droit peut être une source de meilleure compréhension, et donc de progrès dans notre pratique du judo !