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c'est pas d'moi

qui trahi qui ?

Publié le par HITOYUME

Image and video hosting by TinyPic Image and video hosting by TinyPic nouvelle écrite par Benoît Mutos Robin

 

"Allez, mon vieux, on y va", murmura Edouard Balinguer alors que sa perception du cockpit sombrait dans le flou. En réponse montèrent au fond de son cerveau les habituels grésillements, qui se fondirent en une voix hésitante, comme un enfant attardé. "Bon ... jour, pi ... lote Edouard". Les mots étaient à peine formés et seul le prénom était clair. Ses ingénieurs prétendaient que ce n'étaient que des parasites mal interprétés par son cerveau, mais il savait au fond de lui-même que c'était bien là la manière d'Alphonse de lui souhaiter la bienvenue. "Salut Alphonse, cette fois, c'est moi qui vais me battre pour toi." pensa t’il. Il ne savait pas quel niveau exact d'intelligence pouvait avoir la créature. Cependant, il était persuadé qu'à son contact, elle avait appris à penser, développer une personnalité, un peu comme un animal familier s'individualise au contact de son maître.

Peu à peu, alors que les connexions se stabilisaient, le panorama familier de la salle d'activation lui apparut, émergeant du flou. Il passa en revue ses sensations, fut satisfait. Tout était normal. Il demanda la déconnexion des ombilicaux. Premier claquement, décrochement du câble de contrôle d'hibernation. Un second et la pression des verrous qui enserraient le torse disparut. Enfin, une série de bruits plus faibles lui signalèrent le déverrouillage des jambes et des bras. Il étira son corps de 5 m de haut - en fait celui d'Alphonse, mais ses instruments indiquant 98% de synchro, le doute était permis ... - et fit un pas hésitant. Le second fut plus assuré. Il retrouvait les sensations familières du Bonesword fluant à travers ses nerfs. Mais cette fois, il le savait, était particulière. Soit ce serait la dernière qu'il sentait la présence d'Alphonse à ses cotés, soit ... il ne savait pas, ne pouvait pas prévoir les conséquences de ce qu'il avait décidé.

Cet après-midi, lorsqu'il était allé au briefing, il avait demandé à Georges, son supérieur et néanmoins ami, d'éclaircir les rumeurs qui couraient au QG. Georges l'avait pris à part. "Je sais que tu tiens à ton unité. Mais nous allons recevoir les nouveaux Mark III. Pour les Mark II, j'ai pu arguer de ton taux de synchro avec cette machine particulière. Après tout, tu étais alors le seul pilote de toute l'unité à dépasser les 95%. Maintenant, je ne pourrais rien faire. Je suis désolé." Balinguer n'avait pas même songé à protester, à se battre. Il savait que c'était vrai, que si le moindre espoir avait existé, Georges l'aurait soutenu. Mais il savait aussi qu'Alphonse allait être retiré du service. En d'autres termes, tué, abattu comme un chien, détruit comme l'outil obsolète qu'il serait devenu. Et cela, il ne pouvait l'accepter. Malgré ses années de service et sa loyauté à l'Alliance, il pouvait encore moins trahir son vieux compagnon d'armes. Il allait commettre l'irréparable, le saut dans l'inconnu lors de sa prochaine mission. On ne lui avait pas laissé le choix.

Les ingénieurs avaient longtemps cherché le pourquoi de son taux de synchro ahurissant. En vain. Avec un exo mécanique, la synchro ne dépassait pas les 65%. Les pilotes des bio-méchas atteignaient régulièrement les 80, voire 85%. Mais trois seulement sur cinquante parvenaient à dépasser régulièrement ce taux et Edouard était le seul à ne jamais descendre en-deçà des 90% et à atteindre régulièrement les 95%, y compris sur le terrain. Récemment, avec l'arrivée des Mark II, la moyenne avait grimpé de trois points et plusieurs parvenaient à dépasser les 95% en tests, mais en condition opérationnelle, la synchro tombait toujours à moins de 90%. Comme de plus, la synchro d'Edouard Balinguer était seulement un peu supérieure à la normale sur les autres unités, lui et son Bonesword personnel étaient vite devenu une légende.

Il parcourut les couloirs pour se rendre à la salle d'embarquement, l'esprit ailleurs. La voix tapie au fond de son cerveau tenta de parler, ne parvint pas à trouver de mots. Seul subsista un ton d'inquiétude, d'interrogation. Aurait-il été seul avec Alphonse qu'il lui aurait parlé pour le rassurer. Mais ici, il était encore sous surveillance. Le moindre doute et ses supérieurs lui retireraient la mission, le retiendraient à la base, l'empêchant de mettre son plan à exécution. Enfin, il se retrouva sanglé dans le monoplace qui allait l'emmener jusqu'à sa cible. Le Streaker, un navire de la Ligue Centrale, ne devait pas arriver à sa destination dans les Hoshi no Hekka. Les indices devaient montrer du doigt les Sshaads. C'est pourquoi on avait greffé à Alphonse les mains dont il faisait mainteant jouer les griffes rétractiles, semblables à celles des habituels exos de combat des reptiloïdes. Pas de survivants. Cargaison disparue. Dégâts caractéristiques. Simplement une audacieuse attaque de pirates Sshaads en plein espace Humain, qui allait provoquer la colère de l'opinion publique et permettre à l'Alliance de donner de la voix. Mais Edouard ne se souciait pas des implications politiques. C'était sa mission, voilà tout. Il avait l'habitude du secret, des missions parfois inavouables. Tout cela faisait simplement partie de son travail. Après tout, un service action, pour n'importe quel Etat, reste toujours pareil à lui-même.

Le petit astronef sortit du sas, se dirigeant en direction du perceur. Le point de saut était déjà prêt, étincelant sur ses instruments. Direction Yodh-15, émersion discrète, identification du Streaker, brève correction de trajectoire aux distorseurs, activation du camouflage optique et il serait dès lors sur moteurs ioniques, indétectable aux senseurs de distorsion et presque invisible à l’oeil et aux radars, en trajectoire d'interception quasi- orbitale. Le petit monoplace approcherait le Streaker, viendrait se coller à sa coque, la percerait tandis qu'il brouillerait les communications et bloquerait les lanceurs de capsules. Ce serait alors à Alphonse et à lui de faire le boulot, de mettre en place les preuves et de repartir discrètement. Retour en sept sauts, débriefing, fin de l'histoire. Seulement, cette fois, cela se passerait différemment. Il ne savait pas où il dérouterait sa capsule ni ce qu'il ferait après. A la limite, d'ailleurs, pourquoi exécuter sa mission ? Elle n'avait plus de sens pour lui, puisqu'il allait déserter.

Un écho de saut apparut sur les écrans du contrôleur de veille. Il demanda que l'on repasse la séquence. Le signal était faible, une image floue, qu'il ne parvenait pas à identifier. Il braqua tout de même les senseurs de distorsion. Si c'était un astronef, il serait bien obligé de passer sur distorseurs. Alors il apparaîtrait sur les écrans. Après cinq minutes de travail acharné au décodage, il finit par en aviser le second. Probablement une instabilité du point de saut, conclut celui-ci. Le contrôleur continua néanmoins à scruter ses écrans. C'est pourquoi il vit dix minutes après un faible scintillement qui signalait l'activation de distorseurs. Les chiffres apparurent sur son écran. 12 g durant vingt-trois secondes. La trajectoire ne coupait pas celle du Streaker, mais elle s'en rapprochait suffisamment pour que ce ne fût pas une coïncidence. Il braqua les caméras sur l'endroit de la distorsion. Dans deux heures environ, il aurait les images du phénomène mystérieux.

Les images montraient une masse métallique anonyme. Un petit vaisseau aux lignes pures, sans particularité aucune. Sa trajectoire calculée intercepterait le Streaker dans huit heures. Pour l'instant, le petit navire s'était volatilisé, sans doute caché par un champs d'invisibilité. A bord du transporteur, l'état d'alerte rouge avait été déclaré. La partie la plus précieuse de la cargaison - des pièces de cerveaux artificiels de fabrication K'rinn - avait été regroupée au centre de la cale. Les dix marines généreusement octroyés par la Ligue préparaient le combat, simulant les attaque possibles sur le plan du navire en compagnie du Commandant. Tous les couloirs étanches étaient clos, les passagers enfermés dans leurs cabines. Les horloges égrenaient les secondes, chacune d'elle rapprochant du Streaker l'invisible ennemi.

"Commandant, il utilise le langage des signes. Celui des sourds-muets." Le Lieutenant Renfield n'en croyait pas ses yeux. "Nous n'avons personne pour traduire ?" Le tour de l'équipage fut vite fait. Heureusement, un des passagers, un vieux professeur du nom de Himmington, avait autrefois enseigné à des enfants handicapés. Il fut amené sur la passerelle, où le robot géant occupait tout l'écran. Cinq minutes auparavant, le vaisseau mystérieux était réapparu à moins de cent kilomètres. Une écoutille s'était ouverte et cet exo en était sorti. Gardant écartés ses bras et ses jambes, comme un X gigantesque se propulsant dans l'espace par de brèves poussées des moteurs ioniques implantés dans son dos et ses jambes, le blindé humanoïde s'était rapproché lentement du Streaker. Son attitude étrange avait dissuadé le Commandant Wang-Tan d'ouvrir le feu, mais il gardait les deux tourelles principales braquées sur l'intrus. Celui-ci bougeait avec une étrange grâce, inhabituelle chez un exo de cette taille. Ses gestes, traduits par le vieil homme, disaient simplement "Je demande l'asile" C'est sous haute surveillance, sous la forme de dix charges creuses braqués sur lui, qu'il pénétra lentement dans le sas du Streaker.

Les capsules à messages avaient été envoyées dès lors que la nature du mécha mystérieux avait été connue. Ainsi, le monde saurait, même si le Streaker disparaissait. Le navire filait maintenant de toute sa puissance, au mépris des consignes d'économie de la Compagnie. Une intuition taraudait l'esprit de son Commandant. Une telle mission ne se faisait pas sans filet. C'était trop simple. Il devait exister quelque part une sécurité, un piège vers lequel son navire se dirigeait inexorablement. Mais cela faisait déjà quatre heures qu'ils avaient sauté hors de Yodh-15 et l'attaque qu'il attendait ne venait pas. Bien sûr, s'il s'agissait d'autres vaisseaux invisibles, ils n'en sauraient jamais rien avant qu'il soit trop tard. De guerre lasse, il transmit le commandement à son second, se dessangla de son siège et flotta doucement hors de la passerelle vers la coursive qui menait aux quartiers de l'équipage. "Arrimage terminé, Monsieur" La voix de Renfield résonnait sur la passerelle. "Ouverture des sas d'accés et raccordement des corridors de décontamination" Comme à l'exercice. "La douane du Garuda demande l'autorisation de monter à bord" La procédure standard d'accostage avec la forteresse se déroulait sans encombre. Sur la passerelle, le petit Asiatique sur les épaules de qui reposait le lourd fardeau du commandement du Streaker se détendit imperceptiblement. La foule, les journalistes, les délégations. Il était maintenant impossible que son vaisseau soit la cible d'une attaque. Enfin, les cinq jours de cauchemar qu'il venaient de vivre prenaient fin. Le monstre et son pilote étaient en sécurité dans la cale numéro 2. Ils seraient bientôt libres, sur les quais de la station, à charge pour eux d'assurer leur propre sécurité. La Compagnie serait dédommagée par la Ligue pour le carburant dépensé sans compter. Finalement, le Streaker avait fait une bonne affaire. cette célébrité allait attirer sur lui l'attention de la clientèle. Cela ne changerait rien pour le fret, les transporteurs sont bien trop pragmatiques. Par contre, les passagers ... Il savait que certains payeraient cher le droit de voyager dans le vaisseau qui avait transporté le célèbre transfuge Edouard Balinguer et son bio-exo. Il avait déjà plusieurs propositions, alors que le navire n'était pas encore à quai. Les capsules avaient répandu l'information et le Streaker avait été pris escorté par une nuée de petits appareils de l'armée et de la presse dès son arrivée à proximité de la forteresse.

Très loin du Garuda, Georges Galland se morfondait dans sa cellule. Ceux qui allaient le juger ne feraient pas preuve de la moindre mansuétude. La paranoïa aurait dû être son travail, faire partie du fond de son être. Pourtant, il avait bêtement fait confiance à un vieil ami. Il avait mis sa tête à couper qu'Edouard ne trahirait pas dix ans de service de l'Alliance pour ce monstre, cette caricature d'humain, ce Bonesword Mk I obsolète. Maintenant, il allait payer le prix de sa faiblesse

 

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