Tejon le blaireau 3/5

PAS SI BETE
 

Tejon traversa ainsi le plateau, sautant et rebondissant au bout du lasso. A l'arrivée, on l'enferma dans une caisse en bois. Le malheureux était épuisé, il avait la gorge desséchée par toute la poussière qu'il avait avalée durant le trajet. Il se blottit dans un coin de la caisse, persuadé qu'il ne retrouverait plus jamais sa liberté. Quelques minutes plus tard, une des planches qui fermaient la caisse se souleva et laissa passer un petit seau d'eau suspendu à un fil de fer. Juan n'avait aucune envie de mettre la main dans la boîte.
L'odeur de l'eau était tentante. Tejon but et se sentit mieux. Peu après un sac de papier descendit à son tour, toujours au bout d'un fil de fer. Le sac contenait plusieurs oeufs de poule. Le blaireau n'avait jamais vu d'aussi gros oeufs, et il trouva ceux-ci délicieux. Puis un visage brun apparut dans l'ouverture et Juan Garcia expliqua d'une voix douce au captif qu'on ne lui ferait pas de mal. Tejon ne comprit pas les mots, mais le ton du Mexicain le rassura.
Le blaireau demeura prisonnier plusieurs jours. Matthews et ses amis voulaient essayer de compenser leurs pertes en poussant les cow-boys d'un ranche voisin à faire le même pari. En attendant, ils construisirent un enclos dans lequel ils envisageaient de garder le blaireau jusqu'à ce qu'ils eussent organisé l'épreuve. Lorsqu'on déposa sa caisse au milieu de l'enclos, Tejon refusa de sortir. Les hommes eurent beau l'y inciter par tous les moyens, rien n'y fit. Il fallut renverser la caisse.
Les chiens du ranch accourent autour de la cage en aboyant, mais, lorsqu'ils eurent découvert qui était l'occupant, ils s'en désintéressèrent bien vite. Aucun chien de quelque expérience ne s'attaque volontiers à un blaireau.
Dès que la nuit fut tombée, Tejon fit exactement ce que les cow-boys avaient prévu : il se mit à creuser un trou contre la palissade. Mais les pieux qui constituaient celle-ci avaient été enfoncés profondément dans le sol. Après trois tentatives infructueuses, le blaireau dut reconnaître qu'il était bel et bien encagé, au-dessus comme au-dessous de la surface du sol. Tejon reboucha les trous et entreprit de creuser un terrier qui s'enfonçait verticalement dans le sol, comme celui dont Matthews n'avait pas réussi à l'arracher.
Le lendemain, lorsque les cow-boys vinrent rendre visite à leur prisonnier, ils examinèrent le terrier; celui-ci leur parut tout à fait normal. Colle il se trouvait à plus de trois mètres de la palissade, les hommes estimèrent, un peu hâtivement, que le blaireau avait renoncé à tout projet d'évasion.
Pendant trois nuits, Tejon travailla sans relâche : il approfondit le puits vertical, puis fora une galerie qui passait à quinze centimètres au-dessous des pieux. Durant la journée, il dormait dans la caisse, au vu de tous. Mais le quatrième soir, au crépuscule, Tejon repoussa la dernière motte qui bouchait l'extrémité du tunnel, secoua la terre qui collait à sa fourrure et s'éloigna au petit trot.

A SUIVRE

Comments

[trublion]

une volonté sans faille est venue à bout des projets humains.
Un sacré caractère le blaireau qui ne mérite pas le sens qu' on donne à son nom