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moi... Jigoro Kano (kagami biraki suite et fin)

Publié le par HITOYUME

REMARQUE : ce récit est tiré d'une thèse sur Jigoro KANO d'Yves CADOT, 43 ans, 5ème dan de judo, docteur de l'Université de Paris. Maître de conférence à l'Université de Toulouse.


UNE HISTOIRE DE CONTINUITE


le nouvel an est aussi bien fin de cycle que commencement du suivant. Toutefois, il est, parallèlement à cette rupture, des éléments de continuité. Le toshi koshi soba : le "soba (sorte de longue nouille) qui permet de franchir l'année" en est une expression. Il convient en effet de les commencer peu avant la fin d'une année pour les finir l'autre.
Kano, pour exprimer la continuité, s'inspirant sûrement de la tradition de pratique dans le froid, kanshugyo, des arts ou sectes religieuses, a mis en place, l'année même de la création du kagami biraki, 1884, le kangeiko, ou "entraînement dans le froid". Concrètement, il s'agit de venir s'entraîner tôt le matin, vers 5h30.
Tous les pratiquants y sont attendus et si, aujourd'hui, cela "ne dure plus" qu'une dizaine de jours, au début, cela en durait 30. Mais le principe reste le même, et semblable à celui du toshi koshi soba : le kangeiko commence quelques jours avant le kagami biraki pour se terminer quelques jours après. Ainsi, il est demandé un effort exceptionnel au pratiquant, qu'il soutient jusqu'au kagami biraki, lequel marque la fin de l'année d'entraînement, et qu'il maintient encore quelques jours : si l'année a changé, si quelque chose a été "rompu" (fin puis renaissance), le principe de la régularité de l'engagement et de l'entraînement, lui, demeure. Kagami biraki shiki et kangeiko, pôles  opposés, sont consubstantiels.


UNE HISTOIRE DE PROSPERITE MUTUELLE


Kano a institué cette cérémonie au Kodokan le 2è dimanche de janvier : il fait froid, il fait nuit quand on va s'entraîner en cette période et cela demande beaucoup d'énergie. Rassembler la communauté des judoka et partager ensemble un moment festif, reconnaître les efforts consentis et les valoriser, c'est ré-insuffler une énergie positive qui permettra de tenir jusqu'au retour de la lumière, de la chaleur.
Mais les mochi qui y sont consommés proviennent des élèves. En effet, Kano ne demandait pas de frais d'inscription ou d'enseignement mais simplement à ce que les élèves apportent, du 1er au 7 janvier, des mochi.
Quel sens cela peut-il avoir ?
Il faut, pour le découvrir, s'intéresser à un autre rituel que Kano a mis en place cette même année 1884 mais dans un autre cadre : la cérémonie de nouvel an d'une de ses écoles privées, ouverte peu avant le Kodokan, en février 1882, le Kano juku. Il s'agit du rituel de la coupe de toso.
Le toso est un sake que l'on boit au nouvel an. Autrefois, on y laissait infuser un sachet de soie rouge contenant un assortiment de remèdes que l'on buvait pendant les trois premiers jours de bjanvier pour prévenir toute maladie pendant l'année et on versait le surplus dans le puits après le 7ème jour. Aujourd'hui, plus de remède, mais uniquement sake dans une coupe rouge. Le rituel mis en place par Kano consistait à faire circuler une tasse de tosoi parmi les membres de l'assemblée par trois fois : la première fois, chacun y versait un peu de toso, la deuxième fois, chacun se contentait de la faire tourner; la troisième fois chacun buvait, mais moins que ce qu'il avait versé. Il donnait à ce rituel un sens précis : commencer par travailler par soi-même (verser sans boire), puis céder à autrui la préséance (faire passer, toujours sans boire), avant de se servir mais en prenant moins que ce qu'on a donné, de manière à faire grossir un capital créé en commun (boire en en laissant).
Que chacun contribue au patrimoine commun... voilà qui explique les mochi : chacun apporte un peu plus que sa part et, au final, tout le monde a de quoi être rassasié, y compris les non judoka auxquels les portes sont ouvertes... depuis 1930 (avant, la cérémonie se tenait à huis clos).
Un rituel qui anticipe de quarante ans ce que Kano finira, en 1925, par formuler en jita kyoei. Kyoei : "prospérité mutuelle".
Mieux qu'un idéal, un objectif. Son moyen ? Jita. Jita : "soi et les autres", ou abréviation de jiriki tariki, c'est à dire de "ma force" et "celle des autres". Jita kyoei : "prospérité mutuelle par ma force et celle des autres" : c'est l'action individuelle de chacun de ses membres qui permet la communauté. Une communauté où on ne se repose pas sur les autres mais où chacun, selon ses moyens et son degré d'avancement, s'emploie de lui-même non à faire sa part, mais un tout petit peu plus, pour la prospérité commune. C'est l'aspect communautaire, social, du kagami biraki.


UNE HISTOIRE DE MIROIR


Au final, on brise les mochi / miroirs et les consomme. Le mochi est notre énergie de l'an passé qui a pris forme : la nourriture qui me propulse dans le cycle suivant est l'énergie accumulée au cycle passé. Mais, le miroir, c'est l'image de ce que j'étais au cycle précédent. Et, ce miroir, ce reflet, je le brise : je refuse que l'image qui s'y reflète y reste entière, figée. Si je vais me nourrir de ce que j'étais, je ne serai plus jamais cette personne, mais une qui ne le cédera pas à celle qu'elle a été.
En judo, il ne s'agit pas d'être fort, mais plus fort que celui qu'on était la veille, il faut "se compléter soi-même", travailler sur ses défauts et que cette force autorise de meilleures relations aux autres pour une société plus harmonieuse. Et si l'on se mesure, c'est pour s'assurer d'avoir grandi.
Alors, le kagami biraki nous rappelle que c'est la somme des efforts individuels et librement consentis qui permet le bien être de la communauté et, pour celle-ci, l'avènement du retour de la lumière. Et, à titre individuel, cérémonie des voeux, peut-être, mais surtout résolution : celle de progresser constamment en se nourrissant de l'expérience


A SUIVRE

FUTURE EXCROISSANCE DE LA VILLE 

J'ai encore entendu les crissements de la ville une bonne partie de la nuit. Ce matin, en me levant, j'ai vu que mon quartier s'était encore agrandi et que je ne voyais plus ma voiture de mon fenestron ventilateur. Ensuite, j'ai dû courir pour ne pas arriver en retard au boulot. Cela fait partie des aléas de la vie dans une mégapole. Mais, courir après une nuit presque blanche sur un sol scoriacé par une flambée de croissance urbaine, ce n'est pas franchement plaisant. J'étais déjà en nage quand je suis passé à côté de ma voiture. Forcément, elle, elle n'avait pas bougé, malgré une légère dilatation de l'artère.
Ce qui m'ennuie dans tout cela c'est que ma taxe d'habitation va encore augmenter. La ville s'est lancée dans une course à l'inflation sans précédent pour essayer de réduire cette fameuse et éternelle crise du logement. D'ailleurs, je vois de plus de plus de gens qui ont carrément choisi de vivre dans leurs voitures, surtout depuis que toute circulation de véhicules de particuliers est interdite jusqu'à nouvel ordre pour favoriser les transports en commun et pour des raisons de sécurité évidentes tant que la ville s'étendra. Et cela, ce n'est pas prêt de s'arrêter ! Les gens en ont marre de courir. Je les comprends et je me demande si je ne vais pas faire comme eux, car, franchement, dans ma studette de 4,1 mètres carrés, je n'ai pas plus de place que dans ma voiturette tom-pouce. Et elle, elle ne risque pas de crisser.

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T
L' habitude fait qu' on se laisse un peu aller, et je comprends qu' il ne soit pas inutile de redonner un coup de fouet !<br /> J' ignorai tout de ces cérémonies symboles, une bonne façon de maintenir une bonne ambiance avec quelque chose de sacré dans l' idée<br /> il ne fait pas bon être possesseur d' un vieux diesel à Paris !
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