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mariage à Biribi-les-Oies

Publié le par HITOYUME

Il est 15 heures au clocher du paisible village de Biribi-les-Oies, l'heure où commencent à s'accoupler les mobylettes sauvages et les tondeuses domestiques. La chaleur accablante qui pèse sur la place de l'église n'a pas émoussé la curiosité des quelques dizaines de villageois qui veulent « voir ».
Dame, c'est qu'on marie le fils Valmont avec la pétassante Jospine, la fille unique du boulanger.
L'a pas inventé le cahier de brouillon mais ses grosses miches, métier oblige, ont fini par séduire Robert Valmont qui, de son côté, n'a pas inventé la rouille.
A 15 h 15, une grand-mère explose sans prévenir dans le brouhaha des conversations.
— Cette pauvre Gisèle, faut toujours qu'elle se fasse remarquer ! commente charitablement une de ses voisines avant d'être elle-même secouée par une violente crise d'aérophagie qui vient ajouter des effluves délétères à la chaleur déjà suffocante.
Le curé, lui transpire dans sa robe de radis noir. Il commence à en avoir plus qu'assez de ce cortège qui n'arrive pas. 
A ce moment précis, un calme relatif règne encore, à peine troublé par les gifles que les mères décochent sans crier gare à leur progéniture surexcitée. 
Quand, enfin, un tintamarre se fait entendre sur le côté de l'église, une seconde grand-mère explose dans un sifflement de feu d'artifice.
— Sacrée Lucienne ! Elle l'avait dit, elle l'a fait la bougresse !
15 h 45. Une clameur s'élève car le cortège nuptial vient de faire son apparition. Et quel cortège !
Les mariés arrivent, passablement éméchés, assis sur un char à banc tiré par un âne enguirlandé de fleurs de lilas blanc. 
Ce sont donc trois ânes qui s'avancent et s'arrêtent devant monsieur le curé. 
Celui-ci, remis de sa surprise, passe devant l'âne pour accueillir les futurs mariés.
Mal lui en prend car le représentant de la gent asine se saisit au passage de sa calotte et l'avale comme un vulgaire confetti.
Vexé dans son amour propre, le curé tente un uppercut pour récupérer son bien mais l'âne, qui n'est pas né de la dernière pluie, pose un sabot vachard sur le pied de l'ecclésiastique qui du coup se met à braire en même temps que lui.
Il faut qu'une bagarre éclate, déclenchée par des joueurs de boules pour un point litigieux et l'explosion d'une troisième grand-mère pour que Léonidas – ben oui, c'est son nom – consente à relâcher la pression de son sabot.
— Sacrée Fernande ! dit la mère Denis. Ça m'étonne pas qu'elle ait éclaté, elle était blanche comme un linge !
A 16 heures, le curé, excédé, prend les choses en mains et se met à tonner :
— Allez hop, tout le monde là-dedans ! en montrant ostensiblement son église du menton.
Et par miracle, le charme opère.
Chacun se précipite à l'intérieur de ce lieu de culte synonyme de fraîcheur.
Le curé, pressé d'en finir, gravit à grandes enjambées les marches de sa chaire.
— Mes biens chers frères, mes biens chères sœurs, repre... Euh, pardon ! Jésus a dit quand il a reçu comme cadeau de sa mère sa première mobylette :
 « S'il existe une justice divine, les apéritifs se transformeront en eau avant que passe la Noël. Je sais que cette chose vous est insupportable et vous jetterez des regards éperdus par-delà les montagnes et les océans, attendant que mon souffle lyrique vous aide quelque peu à réajuster les essuie-glaces de la vie sur le pare-brise de vos cerveaux atrophiés. Il faut vous y faire mes enfants, la lourde charrue de la vie vous a fait basculer dans un univers où la raison côtoie des abîmes d'incertitude. »
Et c'est ici que tout s'envenime...
Les mariés, qui n'ont rien compris au sermon, commencent à suer en se lançant des regards furibonds. Mais le curé a repris l'avantage. 
— Maintenant, après avoir répondu oui aux questions rituelles, nous allons procéder à l'échange des anneaux.
Robert Valmont fouille dans ses poches mais n'y trouve rien. Les anneaux ont disparu. Pfff ! Envolés !
La tension monte, intolérable, presque palpable...
Dans les premiers rangs, des vagues ondulent entre la famille et la belle-famille, laissant présager quelque tsunami dévastateur. Et puis soudain, un cri jaillit de la nef.
— Non ! Ne vous battez pas !
— Qui êtes-vous ? demande le curé, interloqué.
— Je suis le saigneur des anneaux !
— Pardon ?
— J'avais faim, très faim... Je suis SDF.
— C'est quoi, ça ?
— Sensiblement Différent des Friqués.
— Et alors ?
— Ce matin, j'ai dévoré un pitbull errant. J'ai trouvé les anneaux dans son estomac.
— Dieu vous bénisse saigneur, vous avez accompli une bonne action.
Mais la mariée, Jospine la crétine, ne l'entend pas de cette oreille et d'un revers de main gifle violemment son ex-futur qui du coup devient son futur-ex.
Exténué, monsieur le curé pour qui la journée s'est apparentée à des siècles, sort sur le parvis de l'église et devant la foule médusée se déshabille entièrement, brûle ses vêtements et embrasse l'âne qui était resté là et qui soudain se met à parler.
— Tu quoque mi fili !
La pudeur oblige le narrateur à ne pas décrire les scènes qui ont suivi le passage à l'église.
Que le lecteur sache seulement que les hostilités entre les familles ont continué jusque dans les cellules de dégrisement où un représentant des forces de l'ordre a été mordu sauvagement dans la partie la plus charnue de son individu. Fort heureusement, au terme de la garde à vue, on n'a déploré que deux morts et trois tués. Ceux-ci ont repris connaissance quand les gendarmes ont agité sous leur nez une bouteille de pastis confisquée lors d'une rafle chez les schtroumpfs.


De Biribi-les-Oies, un reportage de HITOYUME.
PS : Aux dernières nouvelles, le curé de Biribi-les-Oies a décidé d'entrer dans le désordre.

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T
et bien, il s' en passe dans les campagnes, mais au moins y a t' il de l' action pour les spectateurs
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