souvenirs

Rien que pour vous,lecteurs de "L'essentiel oublié", je descends ma braguette et je plonge la main dans mes souvenirs...

J'étais confortablement installé dans un de ces convois d'incivilités que sont habituellement les bus de ma région. Arrive un voyageur, vraisemblablement originaire de Suisse romande, qui me demande avec une dextérité buccale de chirugien prénatal, si lui et son sac de randonneur peuvent s'asseoir à côté de moi.

Je grimace mon absence d'objection, rabattant toutefois l'accoudoir central avec ostentation. Catastrophe. Le voilà qui joint ses deux mains manucurées par une vie exclusivement bureaucratique, sourit comme un scout qu'on autorise à faire griller ses marshmallows, et s'incline, oui, s'incline, tel un chef d'Etat qui reçoit le représentant d'une religion dont il ignore tous les préceptes.

Je n'ai rendu à ce freluquet aucun service, ne lui ai donné ni l'heure ni monnaie, mais il m'a remercié comme si je venais d'arracher sa mère à un incendie.

Cette réaction a terni une bonne partie du trajet. Puis ma rancoeur s'est peu à peu dessalée. Puisque la sincérité est systématiquement balayée, me suis-je laissé penser, ces élans d'obséquinosité ne doivent avoir d'égal que les emportements disproportionnés des victimes d'offenses vénielles.

Je me suis alors souvenu d'un admirable torche-cul, à qui j'avais grillé une priorité. Le gentleman m'avait rattrapé à un rond-point et s'était permis de m'envoyer le contenu de son cendrier au visage, s'autorisant au passage les pires insultes sur ma mère, laquelle aurait ingurgité son sperme en s'introduisant des objets dans l'anus. 

Une petite entorse au code de la route peut-elle être cause d'une ire aussi déraisonnée ?

Pas plus que mon consentement à tolérer un Suisse ne devrait déclencher une gratitude ridiculement appuyée.

Au royaume du vivre ensemble, les plus démonstratifs sont les rois des cons.

les gens