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histoires a suivre

la magie de Noël (4)

Publié le par HITOYUME

la magie de Noël
4/5


Case n°16

La plupart d’entre vous doit savoir qui je suis. Pour ceux qui ne le savent pas, je suis le Père Noël. Le vrai Père Noël. Un très vieux bonhomme qui existe réellement.
Je suis actuellement le dirigeant de la société SC&R, que j’ai créée au mois de février dernier avec un associé. Je vous expliquerai pourquoi dans quelques instants.
Il y a longtemps, au début de l’hiver, un voyageur est arrivé dans mon pays avec sa famille. Ses trois enfants avaient très froids et étaient très fatigués. Je leur ai offert l’hospitalité et, au cours de la nuit, touché par ces enfants courageux, je leur ai fabriqué à chacun un jouet de bois. Le matin, au pied de leurs lits, ils trouvèrent ces cadeaux et, devant leurs yeux émerveillés, j’ai décidé que j’avais envie de passer ma vie à récompenser les petits enfants courageux, et qu’en l’honneur des petits de ce voyageur, je le ferai au début de chaque hiver.
Les premiers temps, les hommes crurent que c’était Dieu qui déposait un cadeau pendant la nuit. Cela m’ennuyait, car je me donnais beaucoup de mal et je n’avais pas envie qu’un autre en récolte les fruits. Alors, un jour, je m’arrangeai pour qu’un père de famille m’aperçoive. Il me dessina, et répandit la nouvelle que les cadeaux divins étaient en fait du à un vieil homme avec une grande hotte.
Dès lors, j’ai tout fait pour rajouter un peu de folklore. Un traîneau, l’habit rouge, les rennes volants, la grande barbe, la cheminée…. Tout ça, c’est de l’accessoire, pour faire vivre ma légende et donner envie aux enfants d’avoir du courage.
Mais dernièrement, j’ai remarqué que les enfants n’avaient plus envie d’être courageux, qu’en grandissant, ils ne croyaient plus en moi, qu’ils prenaient ma place, couvrant leurs bambins flemmards de montagnes de cadeaux inutiles. J’ai vu qu’il n’y avait plus de place dans vos cœurs pour mes cadeaux.   
Avec Rodolphe, le chef de mes rennes, nous avons pris la décision de reprendre Noël en main. D’où la création de SC&R, d’où la main mise sur l’industrie du cadeau, d’où la fin des approvisionnements des magasins et le vol des cadeaux de Noël.
Je n’ai pas envie d’être un faire valoir, je n’ai pas envie de n’être qu’un folklore… Je suis le Père Noël bon sang !
Cette année, si vous voulez des cadeaux, il va falloir être courageux, et il va falloir les demander gentiment.
Vous recevrez prochainement un catalogue. Ce catalogue vous permettra de faire votre lettre que j’attends pour le 6 décembre 2010, dernier délai.
Et n’oubliez pas, soyez courageux, soyez généreux et vous serez récompensés !
J’ai la conviction que nous allons passer un très très bon Noël !
Ca oui, un très très très bon Noël !
He’s making a list, and checkin’ it twice, about to find out who’s naughty or nice,
Santa Claus is coming, to tooooooown !

Case n°17

A l’image du Père Noël, succéda le sigle de la marque SC&R, un cercle rouge luminescent. Après cinq minutes, les programmes reprirent normalement, devant des spectateurs et des auditeurs stupéfaits.
Des flashs spéciaux furent rapidement organisés et les extraits de l’intervention du Père Noël tournaient en boucle sur Internet. La question qui revenait le plus souvent était de savoir si l’homme qui s’était exprimé devant le monde entier était le vrai Père Noël ou pas. De nombreuses personnes pensaient qu’il y avait trop de choses inexplicables dans ce qu’il venait de se passer pour ce soit une simple campagne de pub : le Père Noël – ou celui qui prétendait l’être – s’était exprimé sur tous les médias, à la même seconde, dans toutes les langues, ce qui suggérait une organisation et des moyens techniques au-delà du possible. Les partisans de la supercherie essayaient quant à eux vainement de ramener les autres à la raison : le Père Noël ne pouvait être qu’un argument commercial, un fantasme d’enfant, permettant d’engranger des millions… Ils applaudissaient tout de même la multinationale capable de monter un tel canular, tout en dénonçant du bout des lèvres leurs méthodes peu légales.
Mais, finalement, tous devaient reconnaître que cette version des faits était la seule qui expliquait vraiment tout ce qui s’était passé dans le monde depuis le mois de février.
Une autre question apparut assez rapidement : où se cachait ce Père Noël ? Les dernières théories le faisaient vivre en Laponie, au Pôle Nord ou encore dans la ville de Rovaniemi. Mais les investigations policières dans ces différents lieux ne donnèrent rien. Les autorités fouillaient les moindres recoins de la botte de foin, mais ce vieil homme omniscient restait introuvable.
Cette affaire occupait tous les esprits, le sujet était sur toutes les lèvres, et tout le monde attendait maintenant l’arrivée de ce fameux catalogue, censé aider à établir une liste de cadeaux de Noël, aussi bien pour voir ce que le Père Noël proposait que pour essayer de trouver des preuves permettant de l’attraper.

Case n°18

Le vieil homme se figea, attendit quelques secondes avant de se détendre en expirant lentement.
- Vous étiez très bien patron !
- Tu crois ? J’espère qu’ils ont compris… J’espère qu’ils ne m’en voudront pas…
- Ils ne pourront pas ! Avec tous les cadeaux qu’on va leur apporter !
Le Père Noël soupira. Depuis toujours, il avait  été très soucieux de l’opinion qu’on se faisait de lui et ne supporterait pas de ne plus être aimé. Mais d’un autre côté, il était tellement énervé de ce que les adultes avaient fait de Noël qu’il était convaincu qu’il ne pouvait plus rester caché dans son coin. Il ne pouvait pas laisser sa fête ainsi…
Léo, le lutin qui venait de le filmer pour les chaînes du monde entier, rangeait sa caméra soigneusement. Lorsqu’il eut fini, il demanda au Père Noël :
- Patron ?
- Oui Léo ?
- Est-ce qu’on fera ça tous les ans ?
- Oh ça, je ne peux pas te le dire mon petit Léo. Ca dépend des hommes. Avant, je me contentais de gérer la liste des jouets demandés, leur construction et leur distribution… Mais si je dois aussi empêcher les hommes de s’offrir des cadeaux et dédommager ceux que j’empêche de travailler, ça risque de devenir bien plus compliqué. Ah ! Peux-tu noter que le petit Charles Jeanez de Lyon a très envie d’une guitare ?
Le lutin sortit un calepin de sa poche et nota scrupuleusement ce que le père Noël venait de lui dire. Les listes au Père noël étaient pour lui un aide-mémoire, mais en réalité, il avait appris à lire dans le cœur des gens et savait, parfois même avant qu’ils ne le sachent eux-mêmes, ce qu’ils désiraient comme cadeau.
- Nous gardons le 2 novembre comme date pour l’envoi du calendrier ?
- Bien sûr Léo ! On ne va pas les envoyer trop tôt… Il faut mettre leur patience à l’épreuve, nous allons les laisser un peu attendre…

Case n°19

Ca pour sûr, la patience des hommes fut mise à rude épreuve : les mois de septembre et octobre passèrent sans nouvelles du Père Noël. Les magasins n’étaient toujours pas réapprovisionnés, les tentatives pour reconstruire des usines échouaient et ceux qui essayaient, malgré tout, de trouver des cadeaux de substitution, comme des aliments ou des outils, les voyaient subitement disparaître de chez eux. La colère montait et le vieil homme était l’objet de tous les débats : existe-t-il vraiment ? Peut-on vraiment le croire ? Qui se cache vraiment sous ce déguisement ? Noël 2010 sera-t-il sans cadeau ?
De son pays lointain, le Père Noël sentit la colère des hommes et restait partagé : il ne pouvait pas supporter qu’on le haïsse, mais voulait tellement qu’on lui laisse une chance de faire Noël à sa façon, à l’ancienne.
- Je vais y aller.
- Quoi ?!
- Je dois y aller Rodolphe.
- Mais tu es fou ! Ils vont t’étriper !
- Non, je dois absolument leur parler, leur expliquer… Ils doivent comprendre qu’ils se trompent, ils doivent voir la bonne façon de fêter Noël…
- Je pense que tu es dingue. Mais tu fais comme tu veux. En tout cas, tu devras te débrouiller sans moi, hors de question que je mette une patte là-bas avant le grand soir.
- Ce n’est pas grave, je prendrai Comète et Cudipon, avec l’amour et le bonheur qu’ils apportent, ils mettront les enfants de mon côté.
Les deux jours suivants, il resta enfermé dans son bureau, à préparer son discours aux hommes.      
Hélas, dans le monde des hommes, la situation avait empiré. Le vieil homme était devenu l’ennemi numéro 1, comparé à un mauvais gréviste caché dans son pays lointain, prenant en otage les fêtes de Noël. Les enfants ne pouvaient plus avoir leur traditionnelle photo avec le Père Noël, car plus personne n’avait envie de se déguiser comme lui. Dans les entrepôts des magasins, les costumes ne passaient même plus en rayon, car certains clients, énervés d’être privés du plaisir d’offrir, se vengeaient sur la seule chose qui pouvait leur rappeler le Père Noël. Les lutins, observateurs invisibles des hommes, avaient rapporté la situation au Père Noël qui décida d’annuler sa venue et d’avancer d’une semaine l’envoi des catalogues.
Ainsi, le 26 octobre 2010, dans toutes les boites aux lettres du monde des hommes, les catalogues de Noël apparurent.

Case n°20

Au début, les réactions furent violentes et les hommes se réunirent devant les mairies et les églises pour brûler ces catalogues. Mais à chaque fois qu’un catalogue était détruit, celui-ci était systématiquement réexpédié. A force de les voir réapparaître, les esprits se calmèrent et certains les ouvrirent. Devant le nombre de cadeaux proposés, les hommes se prirent au jeu de la rédaction de la liste.
Il y avait en fait plusieurs catalogues, dont ceux de jeux et jouets, d’informatique, de produits de beauté, d’objets de collection et de livres ; tout ce qui avait été retiré du marché par SC&R figurait dans ces pages. L’opulence de cadeaux finit même par avoir raison des plus sceptiques qui, une fois seuls, feuilletaient les catalogues à la recherche du cadeau de leur rêve.
Après un Noël 2009 marqué par l’épargne et la rigueur, le principe du Noël 2010 ne pouvait qu’être attirant : demandez ce que vous voulez, c’est le Père Noël qui régale ! Les listes s’allongeaient et certaines étaient tellement longues qu’il fallait des enveloppes à très grande contenance pour les envoyer. Malgré tout, chacun se rappelait que la générosité du vieil homme avait un prix : le courage, la générosité et la gentillesse, et dans les médias, le débat sur la réalité du Père Noël avait laissé place à des reportages comme « Que demandez-vous au Père Noël ? » ou « Que faites-vous pour mériter vos cadeaux cette année ? »
Le monde des hommes devint un peu plus calme. Il y avait bien sûr des récalcitrants, des non-croyants et des autres peuples où Noël n’était pas fêté, mais dans les pays qui célébraient cet événement, les gens commençaient à se dire qu’il fallait prendre ses précautions à l’approche de décembre. On aidait les personnes âgées, on réglait les conflits à l’amiable, on donnait aux plus pauvres et on accueillait les sans-abris au chaud. La police afficha avec plaisir les statistiques de la deuxième moitié de novembre : les chiffres des vols et des agressions à la personne avaient sensiblement diminué, et les arnaques ou dégradations de biens publics avaient atteint un niveau historiquement bas.
Depuis son bureau, pour la première fois depuis très longtemps, le Père Noël souffla et se détendit un peu. Il allait réussir à faire la plus belle fête de Noël de tous les temps !  

A  SUIVRE

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