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pas si bete

Trapu le loup gris 1/3

Publié le par HITOYUME

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Voici la première histoire d'une série d'aventures dont les héros sont des animaux sauvages.

 

Trapu le loup gris  1/3

 

A chaque coup de pioche, Gord Williams se rapprochait du louveteau qui, terrorisé, se blottissait au fond de l'antre. Un jeune loup peut connaître l'angoisse de l'inconnu, même à un mois, et celui-là avait déjà été témoin de bien des catastrophes. Il ne pouvait savoir que Williams avait simplement pitié de lui.

Telle était pourtant la vérité. Cet homme savait depuis longtemps que la vieille louve, dont les razzias parmi les troupeaux du haut Rio Grande l'avaient à peu près ruiné, élevait ses petits dans un antre de Ute Creek. Un chasseur, mandé par le gouvernement, avait tué la bête la nuit précédente, et Williams avait parcouru quinze kilomètres, ce matin-là, pour chercher les louveteaux. Il ne pouvait supporter l'idée que ceux-ci mourraient de faim. Mais le brave homme ignorait que quatre, sur cinq des membres de la famille, avaient déjà été tués par d'autres animaux sauvages.

Le petit loup tremblait de peur au fond de la tanière. Il avait vu des aigles enlever deux de ses frères, une belette en tuer un autre et le dernier avait été emporté par un grand duc, tombé du ciel. 

Vous comprenez pourquoi le pauvre petit était persuadé que le monde entier était ligué contre lui.

Quand Williams eut achevé de déblayer un passage et qu'il plongea sa main gantée dans le trou, le louveteau planta ses dents aiguës dans le gros gant en peau de daim. Il voulait se défendre de son mieux, mais ses dents n'étaient pas assez longues pour mordre à travers le gant de l'homme; aussi, quelques instants plus tard, se trouvait-il au grand jour, brandi à bout de bras.

Williams avait décidé de le tuer immédiatement, mais le pauvret ressemblait tellement à n'importe quel petit chiot que l'homme hésita une minute. Le louveteau fit alors un geste sans précédent : il roula des yeux noirs vers Williams et tira rageusement une petite langue rose.

Williams éclata de rire. "Sacré petit bonhomme ! J'aimerais bien te laisser vivre. Malheureusement, nous n'avons que faire d'un loup dans le pays"

Le petit animal ne comprenait rien à ce discours, mais il n'était plus du tout effrayé, et il léchait la partie du gant qu'il venait de mordre. l'homme lui caressa la tête de son autre main, qui était nue.

L'amour n'a pas besoin de mots, parfois, pour s'exprimer. williams comprit que le contact de sa main avait attendri le coeur de ce sauvageon. Il s'assit, tenant le louveteau sur ses genoux, et caressa la douce fourrure. "Je vais tenter une expérience", dit-il à haute voix. "Personne ne croit qu'un loup gris puisse être apprivoisé, mais j'ai réussi à dresser des chiens très féroces et à me faire aimer d'eux. Je ne vois pas pourquoi je n'arriverais pas au même résultat avec un louveteau qui n'a jamais vu un homme avant moi. Tu as d'ailleurs tout à fait l'aspect d'un petit chien esquimau. tu t'appelleras désormais "Trapu".

Pendant tout le trajet qui les menait au ranch de Williams, le mot "Trapu" fut souvent prononcé, toujours accompagné d'une tape affectueuse. La bonté de Williams tombait dans un terrain fertile, car le petit loup n'avait encore jamais connu la moindre tendresse. Jamais bête sauvage ne fut capturée à un moment aussi propice au dressage que ce jeune représentant d'une race de hors-la-loi dans le monde des animaux.

La première expérience que Williams voulait tenter touchait le régime alimentaire. Il savait qu'un ours ne mange pas de viande par goût, mais seulement quand il lui est impossible de satisfaire ses appétits végétariens. Les chiens peuvent être habitués à préférer une pâtée ne contenant aucune graisse animale. pourquoi ne pas appliquer immédiatement ce régime à Bébé Trapu ? Pourquoi n'essaierait-on pas de ne jamais lui donner de viande.

Aussi le louveteau dîna-t-il, ce soir-là, de lait de vache chaud, après quoi il s'endormit tiut contre l'oreiller de Williams. En partant le lendemain matin pour se rendre à son travail, Williams offrit à Trapu un jouet qui devint rapidement son trésor le plus cher : une vieille pantoufle dont le feutre moelleux ne pouvait faire de mal à ses dents.

Durant les six mois qui suivirent, Trapu ne goûta pas le moindre morceau de viande. Il mangeait du pain de maïs avec du lait. Jamais enchaîné, il courait librement dans la maison et suivait fidèlement son maître, comme n'importe quel jeune chien, quand il y était autorisé.

Pendant tout ce temps, son seul camarade de jeu fut Jacob, le gros chat qui partageait avec lui la maison de Williams. Au début, Jacob ne se trouvait pas très attiré par le louveteau, mais à force de vivre avec lui, ils restaient souvent seuls ensemble pendant plusieurs heures, il apprit à mieux l'aimer. Ils devinrent même de bons amis. Ils mangeaient ensemble et se couchaient souvent dans la même caisse, près de la cheminée.

Ce fut au printemps que Trapu apprit pour la première fois qu'il ne devait pas obéir à ses instincts sauvages. Williams travaillait dans la forge, près de la grange, quand il entendit un cri rauque provenant du poulailler. Il regarda dehors et vit Trapu avec, dans la gueule, une poule qu'il venait de tuer. Williams appela le jeune loup et, prenant un solide lacet de cuir, il lui attacha la poule morte autour du cou.

Trapu se sentit en disgrâce. Les jours passèrent et, comme la volaille, en se putréfiant, dégageait une odeur de plus en plus désagréable, le louveteau alla se cacher, tout honteux, sous la maison, d'où il ne fut plus possible de le sortir. Finalement, Williams se glissa en rampant jusqu'à l'endroit où il se terrait et coupa le lacet. Cette expérience allait donner la mesure de l'attachement de Trapu pour son maître. Celui-ci n'était pas certain que le loup lui pardonnerait jamais.

Trapu était sorti le premier de sa cachette; quand Williams émergea à son tour, le loup lui témoigna, à sa façon, toute sa gratitude d'être débarrassé de la poule. Il lécha la main de Williams et bondit joyeusement autour de lui en poussant de petits jappements. Williams le caressa et lui fit comprendre que la brouille était finie. 

Plus que jamais, Trapu devint l'ami fidèle et constant de l'homme. Il apprit à s'occuper du bétail et, enfin, fut autorisé à se rendre seul dans les pâturages et à en ramener les chevaux que Williams utilisait pour les travaux de la ferme.

Une habitude prise pendant son jeune âge persistait. Chaque fois que Williams commençait à préparer son déjeuner, Trapu allait immédiatement chercher sa vieille assiette de fer-blanc toute bosselée, la déposait doucement sur le sol et s'asseyait à côté. Si Williams n'allait pas chercher aussitôt la pâtée de maïs qui constituait maintenant la principale nourriture de Trapu, celui-ci saisissait alors l'assiette dans sa gueule et la tenait à la hauteur de la table. Parfois, pour s'amuser, Williams faisait mine de ne pas le voir. Dans ce cas, Trapu reposait bruyamment l'assiette, puis la tendait de nouveau. Cette manoeuvre amenait toujours des résultats et provoquait souvent des bagarres amicales dont raffolait le jeune loup.

Trapu avait deux ans révolus, lorsqu'il lui arriva une aventure qui parut efface la dernière trace de sa nature sauvage. La fin de l'automne fut marquée par une chute de neige précoce et une semaine de température glaciale. Le haut Rio Grande était entièrement gelé. Une deuxième tempête de neige recouvrit la glace et une douzaine des bêtes de Williams traversèrent la rivière et se réfugièrent dans un coin abrité sur l'autre rive. Trapu savait où elles se trouvaient et, à cette époque, il était si bien au courant du travail de la ferme qu'il lui arrivait souvent d'agir de sa propre initiative.Un jour que Williams coupait du bois pour le feu, sur la colline au-dessus de la maison, Trapu las de le regarder, décida de rabattre le bétail épars dans les environs. Il traversa la rivière, suivant les traces laissées par les bêtes et, regroupant rapidement celles-ci, il leur fit reprendre le chemin du ranch. 

Williams l'entendit hurler et descendit jusqu'à la rivière pour mieux se rendre compte. Le bétail avait peur de Trapu, car son odeur était celle d'un "loup". Quand il les conduisait, les bêtes obéissaient précipitamment. Aussi, au lieu de traverser la rivière l'une derrière l'autre, comme elles l'avaient fait auparavant, étaient-elles maintenant massées en un groupe compact. Trapu trottait derrière elles, agitant fièrement le magnifique panache de sa queue. Il n'éprouvait pas la moindre sensation de danger. La masse pesante du troupeau craquela la glace et, au moment où Trapu arrivait au milieu de la rivière, une partie de la croûte bascula, lassant le loup patauger dans un trou d'environ six mètres de diamètre. Trapu savait nager, mais il était bien en peine de sortir de cette eau glaciale.

Williams comprit immédiatement la situation. Il retourna rapidement dans la grange chercher une planche et, muni de celle-ci, il s'élança vers la rivière.

"Tiens bon, Trapu", cria-t-il, "J'arrive".

 

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