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histoires a suivre

Jean BART le héros de Dunkerque (14)

Publié le par HITOYUME

Jean Bart 
"Le Héros de Dunkerque"
14

RESUME : Le jeune Jean Bart, qui est revenu à Dunkerque après avoir servi dans la marine hollandaise, vient d'être engagé comme second à bord d'un navire corsaire commandé par Guillaume Dorne. Nous le retrouvons à l'auberge de l'Etoile d'Or...

- La fameuse raison d'Etat justifie, en effet, bien des décisions et des événements, ajouta Michel Deswaeb, mais il n'en reste pas moins vrai que les petits peuples ont toujours fait les frais des querelles qui surgissaient entre les grandes puissances.
L'inspecteur Hubert sentit que l'entretien prenait une tournure délicate, mais il n'était pas homme à s'en effrayer. Au contraire, il saisit la balle au bond. En sa qualité de haut fonctionnaire français, il croyait devoir profiter de chaque circonstance pour faire admettre  les vues de l'autorité qu'il représentait.
- Je crois deviner à quoi vous faites allusion, jeune homme, dit-il. Il n'y a pas si longtemps qu'une partie de votre pays a passé sous le pouvoir du roi de France. vous appartenez à un peuple noble et fier; il d'autant plus regrettable qu'il ait été si longtemps déchiré par des luttes intestines.
- Il a dû les subir, ces luttes ! précisa Michel.
- Si vous voulez. Précédemment, la Flandre toute entière était soumise aux Espagnols. Mais lorsqu'il s'est agi de se libérer ensemble de ces fers, les catholiques et les protestants se sont révélés des ennemis irréductibles et l'on a vu les corsaires d'Ostende, de Dunkerque et de Zélande, pourtant frères de race, se faire une guerre sans merci. Combien de marins flamands n'ont pas été précipités dans les flots par leur compatriotes, après avoir été liés dos à dos  ?
- Les loups ne se déchirent pas entre eux; les frères seuls le font, murmura Michel.
- Hum... avertit le père Deswaen.
- Nous n'y pouvons rien, poursuivit M. Hubert. vos corsaires se sont toujours livrés une guerre implacable. sous les Espagnols, ils ont combattu les rebelles; plus tard, ils s'en sont pris à leurs frères de race aux côtés de leurs partenaires français... Nous sommes impuissants à corriger les hasards de la guerre. Des personnages haut placés décident de notre sort sans que nous puissions intervenir. Mais pouvez-vous prétendre que vous êtes moins libre à présent qu'il a dix ans ? Vous a-t-on jamais fait grief de votre attachement à la religion catholique ? Durant le conflit qui opposa l'Angleterre à la Hollande, vos armateurs et vos courtiers ont ammassé des fortunes considérables. Aujourd'hui, le vent a tourné... Ce n'est pas une raison pour manquer l'occasion qui se présente à vous. vous demeurez libres et vos convictions continuent d'être respectées... Comprenez-moi ! Il est nécessaire que votre peuple ne forme plus qu'une seule grande famille. Nous ferons de notre mieux pour lui assurer les meilleures conditions de vie possible. Vos pères ont su s'adapter aux circonstances, pourquoi ne pourriez-vous pas en faire autant ?
- La Flandres est déchirée, dit Dorne, mais nous avons conservé le coeur flamand.
- Et l'esprit flamand ! ajouta Michel Deswaen.
- C'est normal, conclut M. Hubert. mais entretemps, mes amis, n'oubliez pas que les Bataves croisent au large et que vos gens doivent manger.
- Nous ne l'oublions pas, dit Dorne, et c'est une consolation de penser que ce que nous prendrons en mer ne sortira pas de la famille.
L'entretien était terminé. L'un après l'autre, capitaines et armateurs quittèrent l'auberge. Jean Bart s'en retourna en compagnie du père Deswaen et de Michel.
- On n'a pas été très loquace, ce soir, mon petit Jean.
- Qu'y a -t-il d'étonnant à cela, père Deswaen ? Quand des personnes instruites parlent politique, que pourrait faire un pauvre marin comme moi sinon écouter et apprendre ?
- Notre petite patrie est bien malade, dit Michel.
- Sans doute, répondit Jean, mais, comme Dorne l'a déclaré, nous avons gardé un coeur flamand. C'est l'essentiel.
- Et nous le mettons, ce coeur, au service d'un maître étranger.
- Nous avons vécu plusieurs siècles sous des dominations diverses, répliqua le père Deswaen. Cela ne nous a pas empêché de rester Flamands. Bien que nous ne puissions pas modifier le cous du destin, nous avons le devoir de sauvegarder notre personnalité. Si nous le faisons, rien ne sera perdu. Jean, mon ami, tu as raison !
Plusieurs années passèrent; des années enivrantes et pénibles durant lesquelles Jean Bart paracheva son éducation de marin. Dorne se livrait à la course avec une énergie exaltée. Il amoncelait les prises. Ce n'était point par colère ou par haine qu'il se battait; c'était parce qu'il était corsaire et qu'il était dans la tradition des corsaires de se battre. Sans doute se gardait-il de se risquer dans les parages des vaisseaux de guerre, mais il ne manquait jamais l'occasion d'arraisonner les navires marchands qui se trouvaient à sa portée. C'était un vrai renard. Il connaissait la mer du Nord comme sa poche. Il ne craignait personne et son audace défiait l'imagination. Mieux que quiconque il était informé de ce qui se passait chez les gens d'en face. Il comptait des amis à Ostende, en Hollande et même en Angleterre, qui lui fournissaient des renseignements confidentiels de la plus haute importance. Il réglait ses sorties et ses itinéraires comme l'eut fait un commandant de flotte. Selon les circonstances, il voguait seul ou naviguait de concert avec d'autres corsaires. Il lui arrivait même parfois de mettre à la voile avec deux ou trois capitaines de ses amis, s'il espérait une prise importante, de manière à pouvoir compter, le cas échéant, sur une aide efficace en haute mer.

A  SUIVRE

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