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les bonnes blagues

Publié le par HITOYUME

Il m'arrive de rester auprès de Roan, le soir, lorsqu'il est couché. Je lui raconte alors de ces belles histoires dont j'ai le secret, jusqu'à ce que ses yeux clignotent, se ferment doucement, et qu'il s'envole au pays des rêves colorés de l'innocence enfantine. (je réalise brusquement que je ne vous ai jamais parlé de mon petit-fils Roan, mais là, j'ai pas le temps, çe sera pour une autre fois)
L'autre soir, il me demande soudain, comme ça de but en blanc, où allait la purée, les pâtes, les knackies Herta et les Tagadas Haribos, une fois qu'il les avait avalées. Est-ce qu'elles allaient au ciel ? Je lui ai expliqué que, mon cher enfant, elles vont dans ton ventre, vois-tu, et ensuite, lorsque tu fais caca, elles ressortent et s'en vont, car ainsi l'ont voulu la nature et le Bon Dieu. Depuis, quand il va aux cabinets, lorsqu'il a fini ce qu'il a à faire, il regarde pensivement le fond de la cuvette. Puis de sa petite voix pleine de tendresse, aux accents empreints de sanglots rentrés, il murmure :
- Au revoir, gentille pizza... et tire la chasse. (ce jour-là, il avait mangé de la pizza)
Car Roan, en plus de son Q.I. très élevé, est poète. Le jour de son anniversaire, après un repas un peu copieux, je m'étais laissé aller, dans un fauteuil, à un assouplissement dû à mon grand âge et à une digestion laborieuse. Soudain, j'entendis cette délicieuse phrase :
- Allume tes yeux, Pap !
N'est-ce pas là de la poésie pure ? 
Un autre aurait dit :
- Allez, debout là-n'dans !
Roan, non. Roan est un poète, et pour les poètes, les yeux s'allument. Ne m'a-t-il pas dit un jour :
- On peut pas se regarder dans une glace à la fraise !
Et j'en suis encore à réfléchir pour tenter de saisir le sens de cette pensée profonde.
J'ai remarqué que c'est la nourriture qui alimentait (si j'ose dire) le plus son inspiration poétique. Pas plus tard qu'assez récemment encore, comme nous étions à table et qu'il y avait du boudin, il énonça cette grave sentence :
- Moi j'aime pas le boudin alors je vais bouder.
Ce qui est, reconnaissons-le, assez classique. Mais comme je demandais à ma jeune et charmante épouse :
- S'te plaît, tu veux bien m'passer l'pinard ?
Il ajouta en un fantastique retournement second-degresque :
- Les épinards non plus, j'aime pas ça.
Mais tout ça n'est rien auprès de cette merveille, d'un symbolisme lyrique digne de Stéphane Mallarmé. Comme sa mère annonçait qu'elle avait l'intention de planter des tomates et du basilic, Roan ajouta :
- Pendant que tu y es, plante aussi de la mozzarella.
Ciel, que de bonheur ne me donne-t-il pas, me dis-je parfois en écrasant furtivement une larme de tendresse sous mon talon gauche...
Juste avant les vacances, il me posait souvent cette énigmatique question :
- Tu vas pas à ton pellier, Pap ?
Les premières fois, j'éludais gentiment par un astucieux :
- Tu veux pas arrêter de m'emmerder cinq minutes ?
Jusqu'au jour où j'ai tout de même voulu savoir ce qu'il entendait exactement par là.
- Qu'est-ce que tu entends exactement par un pellier ?
Il se mit à hurler :
- Mais pourquoi tu vas pas à ton pellier ?! Nous, on va à notre pellier ! Maman, pourquoi Pap il va pas à son pellier !
J'ai compris après coup qu'ils partaient tous en vacances à Montpellier.
Une autre fois, nous étions toute une bande à parler cinéma et nous nous aperçûmes que l'un d'entre nous n'avait même pas vu "Le Parrain", hé ! Ouah le nul...! Il a même pas vu "Le Parrain" ! Et de se moquer de cet ignare inculte qui n'avait même pas vu "Le Parrain" ! Et Roan se joignit au choeur en faisant aussi ha-hou les cornes ! Il a même pas vu Nils...! (le parrain de Roan s'appelle Nils).
La dernière fois qu'il m'a sortie m'a scié à la base :
- Le gras-double, c'est du gras-simple multiplié par six et divisé par deux.
Plus tard, j'ai trouvé sous son oreiller un livre de pensées de Pierre Dac dont une page était cornée. L'astuce du gras-double était de Pierre Dac.
Vous parlez d'un petit enfoiré, il pompe des citations dans des bouquins de philo et les ressort, l'air de rien, comme si elles étaient de lui ! Si ça se trouve :
- On peut pas se regarder dans une glace à la fraise, c'est de Kierkegaard ! J'aurais jamais cru ça de lui.

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