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fautes d'orthographe

Publié le par HITOYUME

La terreur se consume à petit feu dans la ville en flammes. Des rumeurs répandent les chants glorieux d'une révolution qui s'achève. On se réchauffe sur les ruines incandescentes qui promettent enfin un avenir. On est en pleine journée et le ciel, derrière la nuit révoltée, doit être bleu et le soleil éclatant.
Moi, je déambule dans ce grand cimetière tout neuf, une ville encore il y a quelques heures. Je suis avec des gens, je ne les vois pas, ils sont derrière moi. J'entends la voix de Thomas, puis aussi celle d'une femme et de gens que je ne connais pas.
La fumée recouvre les alentours d'un voile obscur et inquiétant. Le ciel assombri est parcouru par des nuages nerveux et carbonisés. L'eau évaporée par l'incendie retombe doucement en fines gouttelettes pour dégouliner sur les murs sales et sans vie. L'air hésite entre aridité et humidité. Dans la ruelle où je suis, les ombres vacillent comme des fantômes. Les flammes ont remplacé le soleil, disparu derrière un linceul de poussière âcre et sombre. Elles distribuent ombres et lumières avec indifférence et inconstance, comme si le jour et la nuit s'affrontaient.
Des affiches d'avant l'émeute, imperturbables, résistent aux flammes. Des textes engagés continuent de crier leur dégoût du système, à dénoncer la misère et la pauvreté, à salir les pouvoirs. L'auteur se signe d'un fulgurant tag rouge :
GMAD, Groupement Mondial pour l'Autodéfense. Le mot "peuple" est mis en évidence. Je m'arrête pour regarder, intrigué par ce refus arrogant de brûler. Thomas s'exclame.
- T'as vu, on n'a jamais recouvert mes affiches.
- C'est toi qui les as collées?
- Ouais.
J'apprends ainsi son appartenance au mouvement révolutionnaire. Curieux d'en connaître davantage, je lui demande s'il a participé à cette dévastation.
- Dévastation ! crie-t-il indigné. Nous avons purgé cette ville pourrie de toute sa merde et nous allons bâtir ce que l'homme a toujours rêvé sans jamais pouvoir le réaliser.
Conscient de mon manque outrageant d'enthousiasme, je rassemble toute mon amitié et m'écrie.
- Super !
Plus loin, des affiches de crucifiés attirent mon attention. Je me dirige vers elles. La fumée devient de plus en plus suffocante. Des bruits d'écroulements, de vrombissements confus percent les crépitements et les clameurs dans un mélange inhabituel et effrayant. Deux femmes, un homme de face et une fille de dos sont exposés sur des croix en bois, nus. Je ne remarque pas de sang. Les deux premières sont de jolies filles, surtout la première. La dernière, de dos, est grosse, la graisse est abondante, son sein gauche dépasse un peu.
- Elles sont bien ces affiches, je m'écrie.
- Ce sont des affiches qui annoncent la fin du monde, me répond Thomas. C'est un mouvement anti-révolutionnaire d'origine asiatique. Tu les reconnais facilement parce qu'ils portent tous aux lobes des oreilles un point rouge indélébile. Ils veulent nous faire croire qu'avec la révolution viendra l'apocalypse. Personne ne sera épargné, c'est pour ça qu'on voit des femmes, des enfants et des hommes. Des fous quoi...
Une explosion lointaine achève sa pensée. Excité par tant de révélations subites, je m'approche des affiches pour mieux les apprécier. La première est très jolie, aguichante; la deuxième, je ne l'aime pas; la troisième, je la regarde une demi-seconde; la quatrième, je la préfère. D'un point de vue plastique, elles sont toutes semblables et me font penser à des dessins de Ernest Pignon-Ernest. Dans la situation actuelle, cet élan artistique semble un peu inconvenant et cynique mais je ne peux pas y résister. Je révèle mes impressions à Thomas. Il reste indifférent, probablement trop occupé à guetter ses amis.
La femme qui nous suivait s'approche de moi et visiblement intéressée, m'interroge sur les affiches.
- Tu ne les connais pas?
- Non.
- J'ai entendu ton ami discréditer notre mouvement.
Elle en fait donc partie. Je remarque le tatouage d'appartenance sur ses oreilles. Heureusement Thomas s'est éloigné.
- Notre travail consiste seulement à informer la population des dangers auxquels elle est exposée, qu'elle ne pourra survivre à cette mascarade. 
Tu sembles sensible à ces affiches. Nous avons besoin de fortes personnalités, intelligentes...
Comprenant le chemin tortueux qu'elle me fait emprunter, je l'interromps brusquement.
- Ca ne m'intéresse pas.
En écho à mon refus catégorique, une déflagration s'empresse de tonner. Le vent résultant balaie autour de nous une poussière aride et ténébreuse. Un instant la femme s'évanouit dans la brume chaude. Je ne vois plus rien. Puis tout revient.
La femme me quitte. J'observe de nouveau ces affiches de crucifiés, et plus particulièrement la quatrième. Il s'agit en fait de photos. Elle est grande. La chair généreuse qui gît est belle. La lumière nuancée dans les tons ocre offre un contraste saisissant sur la pierre humide et sale. Je commence à distinguer les détails. Quelque chose est coincé entre ses fesses. Imaginant l'intervention malvenue d'un objet extérieur, je passe ma main pour tenter de l'enlever, en vain. Je m'aperçois alors que c'est une punaise posée à dessein. Peut-être est-ce la symbolique de la défécation d'une femme morte qui n'a plus d'hygiène. La répulsion que l'image provoque accentue l'atrocité de la mort et doit contribuer à déclencher chez le passant la terreur.
Je quitte l'affiche du regard pour en discuter avec les gens autour de moi. Mais la ruelle est vide. Thomas a dû préférer aller retrouver ses amis et fêter dignement leur victoire.
Je me retourne vers le mur. En dessous de la punaise se trouve une pièce de cinquante centimes posée sur les fesses de la femme. Si elle est posée et ne tombe pas, c'est que le corps a été pris allongé. Elle n'est donc pas crucifiée. Cette révélation est aussi la révélation de toute la cruauté et l'horreur de cette photo. Il ne s'agit alors plus d'une reconstitution de la mort, mais plutôt d'un témoignage de la mort.
Des cris proches brisent soudain ma contemplation. Des coups de feu retentissent au même instant. On tue. Je pense à Thomas qui est parti dans cette direction. Un bref instant de vide rend plus intense mon inquiétude. Soudain Thomas paraît, ensanglanté. Il court vers moi, vociférant à mon intention.
- Reste pas là... Ils arrivent...
Sans s'arrêter, il passe devant moi. Il a disparu.
Je reste pétrifié, affolé et curieux. Les coups de feu retentissent encore, plus proches. Tout à coup, une explosion à quelques mètres achève le massacre. Une onde de choc vient souffler dans mes oreilles son message de mort. Les yeux me piquent d'une agression brûlante. J'ai les cheveux décoiffés et manque de tomber.
Le silence retombe brusquement, nourri des chuchotements du feu, de voix étouffées et du vent qui court. De petits glapissements secs me parviennent de très loin et se rapprochent. Soudain une vision impossible jaillit du coin de la rue.
Des milliers de rats arrivent en trombe sur moi. L'explosion et les flammes ont dû les chasser de leur gîte. Prostré par la peur je laisse la horde s'agiter entre mes jambes. Ils ont un air familier, la tête et les attitudes sont presque humaines. Ils ont des visages dégoûtés et ouvrent la gueule en gerbant une bile immonde. Je dois délirer. La scène dure près d'une minute, à croire qu'ils se sont tous donné rendez-vous ici.
Les bêtes sont passées. Quelle vision terrifiante et presque enivrante. On dirait un rêve.
Comme pour confirmer ce sentiment, des hommes vêtus de kimonos et coiffés de chapeaux pointus apparaissent au coin de la rue et s'avancent doucement vers moi. Ce sont des Asiatiques et ils tiennent des armes à feu. Je me souviens de Thomas. Ce sont les partisans du mouvement anti-révolutionnaire, sûrement irrités que la révolution se passe si bien et désireux de poursuivre leur travail d'informations jusqu'au bout.
Les volutes des incendies s'enroulent insidieusement autour de moi et la chaleur s'intensifie dangereusement. Le jour et la nuit continuent de se battre, se disputant chaque recoin dans un corps à corps infernal.
Les Asiatiques marchent lentement comme pour une procession funèbre et me fixent. Plus ils se rapprochent et plus je les distingue faiblement. Mes yeux pleurent d'un air trop sec et sont aveugles. Je peux sentir la présence des Asiatiques qui m'effleurent de leur ombre, sans les voir. Leur silence est un augure qui ne trompe pas.
La chaleur perfide m'enlace, brutale, brûlante et oppressante.
La tête me tourne.
C'en est trop.
Une sorte d'entité supérieure que je sens maintenant trop présente et qui maîtrise le monde dans lequel j'évolue, me transporte. Je vois tout autour de moi dans un mélange de couleur ocre et rouge, à la fois vif et sombre. Tout ce qui existe semble être détruit puis recréé. Des vents violents balayent tout. Il ne reste que du sable qui tournoie. De la poussière évolue dans des tourbillons. Pendant un instant je suis extérieur à tout ça, comme en train de regarder un vieux film de science-fiction. Les trucages sont grossiers, le sable est clairement agité par une sorte de ventilation ou quelqu'un qui souffle. Je m'aperçois que mes yeux sont fermés. Je les ouvre...
Tout est flou et opaque, je me sens emmailloté. Je remue pour confirmer et découvre un lit. Autour de moi, la lumière du matin et les oiseaux chantent leur mystère réconfortant. Le ciel bleu rayonne à travers les persiennes. Le parfum de la nature glisse en moi ses fraîcheurs agréables. Je me retourne langoureusement, profitant des derniers restes de la nuit.
Dégageant les draps, je me lève enfin. Assis sur le bord, mes pensées retrouvent difficilement le chemin de la réalité et se perdent dans les souvenirs du sommeil qui reviennent avec force. Plongées dans les tourments de la nuit, elles tentent de rappeler une raison abandonnée la veille au soir.
Impossible de trouver la vigueur nécessaire pour me détacher de ce cauchemar. Il poursuit au-delà de la nuit sa marche perfide sur ma conscience fragile et l'oppresse encore. Je ferme les yeux pour ne plus voir et je vois plus encore. J'abandonne quelques minutes au temps perdu pour lutter péniblement. Enfin la raison renaît.
Chancelant, je reprends les habitudes journalières. Petit déjeuner, douche, habits. Je grimpe à nouveau dans le train de ma vie. Je m'installe en troisième classe et regarde par la vitre sale le défilement des choses. Le temps passe et ne m'attend pas. Mes êtres et mes passions m'ont quitté il y a longtemps. Je suis obligé de vivre dans une pauvre cabane délabrée à la campagne. Comme d'habitude je vais sortir avec l'espoir de trouver un travail. Le dernier remonte à deux mois. Je devais porter une enveloppe à quelqu'un qu'il fallait oublier vite. L'argent qu'on m'a donné a suffi seulement à m'assurer une subsistance correcte pour trois semaines. Le reste du temps, je cueille les fruits de la nature quand la saison est bonne, je vole dans les serres fracturées quand elle l'est moins. Je jeûne aussi.
Je repense à mon rêve difficile. Il revient plus aimable car il sait que j'ai compris ses manœuvres illusoires. J'étais rasé de près, bien coiffé, bien habillé, bien en chair et surtout insouciant du présent et confiant en l'avenir. Pas de doute, c'était vraiment un rêve. C'est la première fois qu'un rêve persiste si fort.
Je ferme la porte à double tour comme si je cachais des richesses convoitées.
Sur le sentier qui me mène à la nationale, je retiens chacun de mes pas d'une hésitation contemplative. Autour de moi s'étend un champ de blé éblouissant. Un murmure sourd s'élève du balancement des épis dans le vent léger. Le pelage du champ semble être caressé par une main invisible, une force retenue qui sait se calmer comme bondir furieusement. C'est aussi une mer, qui n'accueille aucun bateau, une mer fantôme qui autorise seulement à rêver.
Sur la route bitumée je ne rencontre aucune automobile. Personne non plus. Seuls les frémissements des prés et des bois m'accompagnent de leur réconfort fidèle. Soudain la nature se déchire sur une ville gigantesque. Elle vient d'un seul coup, pour prendre au piège et obliger le voyageur à continuer. Un pont inutile me sépare encore de la cité; le fleuve a depuis longtemps disparu.
Une énorme sentinelle jaune à l'entrée de la ville veille sur le flux humain. Personne ne me refuse le passage. J'entre donc. Ma condition de campagnard me classe comme persona non grata et mon intrusion est un délit sévèrement puni. Mais les vêtements que je porte, souvenirs d'un passé plus favorable, reflètent une urbanité qui semble indiscutable. Le pont craque, le silence aussi, et me voilà indemne dans la cité.
Je n'ai pas de carte d'identité, ni de carte bancaire. Heureusement le travail clandestin est florissant à cette époque. Il suffit de connaître les bonnes personnes. A force de galérer j'ai fini par me constituer un petit annuaire bien pratique.
Décidé, je m'avance dans les rues. Les espaces sont immenses. Les architectures sont magnifiques, on se croirait dans de vieilles bédés de science-fiction. Je lève les yeux, car je suis face à une merveilleuse cathédrale londonienne. Je crois être à Londres. La lumière du soleil s'enflamme sur les parois blanches et s'écroule sur le sol en vagues déferlantes. Je me retourne pour voir d'où je viens. J'aime bien cette ville, elle est propre est belle, même si je dois lever la tête souvent. Dommage qu'elle ne m'aime pas.
La faune citadine s'anime un peu. Des gens passent, peu nombreux, écrasés par la disproportion des constructions. Le contraste est choquant et fascinant à la fois. Je m'attarde un peu sur cet aspect pittoresque, agité par de fragiles réminiscences d'un passé artistique oublié depuis longtemps.
Je dois aller voir quelqu'un. Il devrait me proposer un job. J'espère.
Les mains dans les poches et presque apaisé par ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas, je continue d'avancer, balançant la tête d'un côté et de l'autre pour ne rien rater de cette ville qui me semble nouvelle à chaque visite. J'émerge sur une place flamboyante. Impossible de ne pas s'arrêter. Au loin s'approche une silhouette assurée. Son insignifiance devant les bâtiments grandioses et sa présence solitaire au milieu de la place confinent au ridicule. Je me rends subitement compte que la ville n'a pas été bâtie pour des êtres humains mais pour une autre espèce ou pour personne.
L'individu paraît me fixer avec une expression froncée. Je peux voir son regard car la distance est devenue humainement appréciable. A quelques mètres de moi, un sourire éclaire son visage contracté. C'est Thomas.
- Salut Thomas!
- Salut!
Un bail que je ne l'ai pas vu. Nos propos divaguent sur les questionnements habituels quand deux amis se retrouvent. Il me dit qu'il est de la ville, avec une famille et un travail honnête, architecte. Quelle surprise! Je lui dis que je suis de la campagne, sans famille et sans travail honnête. Il sourit malgré lui à mon ironie mais ses lèvres s'éteignent rapidement dans une grimace pénible, manifestement ennuyé pour moi et ma situation déplorable et surtout dangereuse.
Il m'invite chez lui et me dit qu'il me trouvera de quoi gagner ma vie et me cacher en attendant de m'installer. Je ne peux pas refuser à un vieil ami même si mon rendez-vous est important et plus sûr. Il habite à l'écart du centre. On fait quelques pas dans un dédale qui m'est inconnu. On monte dans un métro sur roues, à l'extérieur. A l'image de la ville, il est propre et splendide, très grand, même si les voyageurs manquent. On s'assoit car les places sont nombreuses. Il y a plein de contrôleurs que je n'ai pas reconnus tout de suite. Je fais part de mon inquiétude à Thomas qui esquisse une parole rassurante.
- Je suis connu maintenant et t'es avec moi. Ne crains rien. Ils ne contrôlent pas des gens comme moi.
Je repense à lui dix ans en arrière, idéaliste et miséreux. Il ne pensait qu'à une chose, foutre le système en l'air. Et le voilà intégré, estimé apparemment. Ses tempes grisonnantes et son embonpoint naissant affichent son rang social et la garantie des confiances. Je m'inquiète moins.
Le métro roule longtemps, serpente les rues dans un silence poli. Il s'arrête parfois et des passagers s'activent aux portes pour entrer ou sortir. Le voyage est agréable. Les vitres sont propres et le temps me fait signe au loin, car il m'attend.
Au moment de descendre, un contrôleur bloque la sortie que nous avons décidé d'employer. Il me demande mes papiers. Je regarde Thomas qui regarde le contrôleur qui me regarde. Des mots s'échangent, mais le fonctionnaire se sent insulté et se campe sur une fierté intransigeante. Il est typé, asiatique. Un réflexe lointain dirige mon attention sur ses oreilles. Elles sont coupées au niveau des lobes. Je revois les kimonos, Thomas, le sang, les armes, la mort... La mémoire perfide jette dans ma tête les ruines du passé qu'elle gardait précieusement pour les grandes occasions.
Thomas et lui parlent violemment, mais aucune haine ne jaillit. Ils s'engueulent comme des étrangers qui se disputent la priorité dans la file d'attente à la caisse d'un supermarché un samedi après-midi. Ils ont l'air d'avoir oublié. Pourquoi je n'ai pas oublié? J'ai le cœur qui bat mon affolement, rapide. J'ai presque peur, une peur elle aussi oubliée.
Les événements tournent vite en ma défaveur. Thomas semble las de se battre. Après tout il n'est pas concerné. Et puis la journée est belle, il ne faut pas la gâcher.
Désolé, il est contraint de me livrer au contrôleur. Il clame haut et fort, pour la forme, qu'il ira en rendre compte à qui de droit. Voyant ma situation s'échouer sur les écueils d'un pouvoir trop puissant, je sens l'abattement me gagner.
J'ai beaucoup de mal à comprendre ce qui se passe alors. Les choses s'enchaînent très vite. J'ai vraisemblablement eu des problèmes avec ces contrôleurs qui m'ont recueilli. Puis je me retrouve dans des vestiaires à prendre une douche, mais je n'ai pas de serviette ni de shampooing.
J'atterris dans une pièce exiguë, sordide et sombre. Une odeur d'urine imprègne mes narines. Il y a des barreaux. Je suis en prison.
Ils ont dû découvrir ma véritable origine et appliquent la loi. Je crois que dix ans de prison attendent le criminel qui pénètre illégalement dans la ville, cette ville immense qui n'existe pour personne. Je me sens fatigué et impuissant. On m'a habillé pour l'occasion. J'ai des vêtements vieux, troués et sales. Ils puent.
Une heure s'écroule, ou deux, dans de pauvres réflexions amères sans que le plus petit mouvement dans l'espace que j'embrasse du regard n'attire mon attention. Seule la lumière s'est parée du voile de la nuit, comme on ferme les yeux. On dirait qu'on m'a oublié. Aucun bruit n'est venu perturber mon recueillement. Les autres cellules que je peux apercevoir sont vides. Tout le monde est honnête ou quoi?
Je ramasse sur mes joues quelques larmes usées, pour laisser la place aux autres. Mon esprit se vide. A quoi bon penser sans avenir? Le rêve de la nuit précédente se faufile encore en moi, comme pour me narguer. Je me dis que j'y étais bien finalement.
Je tourne la tête pour découvrir les détails de ma cellule, faire quelque chose du présent, tout ce qui me reste. Une maigre fenêtre propose à qui sait se hisser un horizon et un réconfort. J'essaie l'ascension. Je monte sur la table bancale en bois pourri et découvre l'horizon d'une cour de prison. Génial!
Je redescends dépité et me rassois. Les murs sont dégradés et doivent dater. Je me prends à imaginer les histoires qu'ils ont dû connaître. Sur l'un des pans, une inscription terne tente de survivre, s'évanouissant dans un écho écarlate du passé.
Je m'approche dans un mouvement tordu. J'ai mal. Ils ont dû me frapper les salauds. A quelques centimètres je m'arrête soudain car j'ai compris le message. Un fou rire glacé explose par mon corps meurtri et je retombe sur le lit métallique dans de grotesques convulsions.
La révolution nous sauvera
Pour la liberté et la justice
GMAD

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