intégrité, la condition de l'éveil

"Quand vous recrutez, vous devez rechercher trois qualités : l'intégrité, l'intelligence et l'énergie. Et s'ils ne possèdent pas la première, les deux autres vous tueront", aurait dit Warren Buffet, maître de l'univers de son état. Nous ne recrutons pas, mais nous pouvons nous accorder avec lui pour faire de l'intégrité une condition du bonheur de vivre ensemble.
Dans le cortège de ces vieux mots qui désignaient la bonne attitude, on peut être "franc" (qui parle en guerrier sans déguiser sa pensée), "loyal" (qui suit la loi et les règles) "honnête" (être honorable, selon l'étymologie du mot latin honestus). Et puis, il y a ces mots qui désignent ce qui n'est pas altéré et par extension ce qui n'est pas corrompu. Intégrité est de ceux-là. La probité est la blancheur sans tâche, ce qui est sincère est "sans mélange". L'intégrité, est ce qui est non-entamé. Etre intègre, c'est donc être d'un seul tenant. Ce qui s'oppose à l'intégrité, ce n'est pas l'intelligence, ni même la capacité de dissimulation, qui peut être, après tout, stratégie légitime dans l'art de se protéger et de combattre. Les judoka savent d'ailleurs ne pas donner de signes à l'opposant, ou en créer qui sont des leurres. Ce qui s'oppose à l'intégrité, c'est la duplicité. Etre double, proposer une apparence positive qui cache, comme un masque, de "mauvaises intentions". Intentions d'autant plus troubles qu'elles ne sont pas assumées devant les autres, la loi et la morale, ni même parfois à notre propre regard intérieur.
Celui qui n'est pas intègre ne suit d'intérêt que le sien propre, intérêt d'autant plus égoïste et facilement immoral que le fait de le rendre invisible aux regards et aux jugements, ou de croire qu'il l'est, suffit à celui qui emprunte cette voie. Son propre regard sur lui-même ne l'empêche pas de dormir tant qu'il garde la face. Morcelé, peut-être déchiré entre e qu'il montre et ce qu'il est au fond, "pas vu, pas pris" est sa seule boussole...
S'accumulent alors ce que le Shintoïsme appelle les "Huit Poussières", jamais balayées derrière le paravent que l'on propose aux autres : mesquinerie, convoitise, haine, égoïsme, rancune, colère, avidité, orgueil... auxquelles nous pouvons ajouter quelques pêchés mortels comme la paresse, et la peur, qui s'infiltre partout.
Ne faire qu'un avec soi-même, arracher le masque et cultiver un rapport sincère et respectueux avec ce qui nous entoure, voilà l'intégrité. La construction de ce "moi" consistant et paradoxalement transparent, comment s'opère-t-il ? L'intégrité est un effort continu, une fusion progressive en soi de l'affermissement du caractère, du respect de la loi morale, de l'amour du bien commun. Une dynamique qui se partage dans les belles expériences collectives. Ajustement de soi à soi, et de soi aux autres, qui n'a pas seulement à voir avec nla justice, mais avec la "justesse". Elle ne peut être uniquement le produit d'une rigueur morale, qui tenterait la répression d'un "monstre intérieur", elle ne peut être non plus uniquement cet instinct des âmes pures vers ce qu'elles  perçoivent comme le bien. Elle se construit sur la longueur par l'aspiration à un meilleur rapport au monde, une démarche globale d'éducation intérieure, progression vers la maîtrise de soi, approfondissement général qui touche de plus en plus près à la simplicité et à la vérité cachées.
Dans le dojo de la Montagne Sainte-Geneviève du regretté Henry Plée, était affichée, métaphore frappante et splendide, l'allégorie du dressage de la vache. Le berger finit par apprivoiser la vache qui batifole dans le premier dessin, avant que, dernière image de l'allégorie, berger, vache et paysage fusionnent en un simple cercle tracé d'un trait de pinceau. Cette affichette était une promesse, celle que notre entraînement allait nous aider à unir ce qui était séparé pour atteindre l'unité, l'assurance tranquille.
Notre levier ? La pratique qui donne du corps à l'esprit et de l'esprit au corps. Les pratiquants de judo comme les montagnards savent qu'une décision d'attaque, que ce soit d'un adversaire ou d'un passage escarpé, réclame une pensée claire et un pied sûr et les deux ne font qu'un. Bien se tenir, bien se sentir et ne plus avoir peur, en portant une technique ou en croisant un regard, voilà nos prémices pour une vie plus intègre, meilleure à vivre, et plus belle.
L'idéogramme japonais "Makoto" qui traduit les mots sincérité et intégrité, réunit la harpe à trois cordes, le koto, et "Ma", qui désigne l'intervalle.
L'intégrité est une vibration qui s'organise avec harmonie... L'homme dans sa plénitude, n'a plus le réflexe de tenter d'obtenir la plus grosse part du gâteau (ce qui n'est pas seulement une métaphore), il tire sa joie de la présence des autres et d'un simple respect du monde, qui résonne aussi juste qu'une cloche zen.
Le saviez-vous . Serge Gainsbourg faisait de "l'intégrité absolue" la condition de l'amitié.

Comments

[trublion]

Et bien, si on veut vraiment respecter ces qualités, il ne doit pas y avoir grand monde au Dojo