les larmes du vent

Henry ? Henry ? Henry !! Henryyy!!!! T'es sourd ? Fais pas semblant de ne pas entendre, s'il te plaît. Quand je te parle, en général ce n'est pas pour ne rien dire. T'entends ? Bon. Tu fais la gueule ? Bon écoute, c'est pas grave, je t'explique quand même et tu comprendras comme ça t'arrangera, comme d'habitude.
Voilà.
Bon. J'ai décidé de vider la voiture. Enfin, je veux dire ; je vais vendre la voiture, donc je vais la vider avant de la remettre au futur propriétaire. Dans ces conditions, tu admettras que je ne peux pas te laisser davantage sous le siège. S'il te trouvait, il serait foutu de penser que c'est de l'or. Et euh... comment dire... même ta dent elle est passée au tamis. Bawi, j'y peux rien, c'est comme ça.
Bon. On va faire simple, on va faire bref, on va faire efficace. Henry, tu vas prendre l'air. Enfin... le train, je veux dire. Hein... mais non ! pas pour rentrer à la maison. Pour aller dans SA maison ! Hein ? Mais non. Pas chez le nouveau propriétaire de la voiture ! C'que t'es stupide quand tu t'y mets ! Chez ta fille. Ah écoute, hein, c'est ça ou rien. Et comme je ne peux pas te laisser sur le trottoir parce que ça ferait désordre, ben... c'est ça. Tu vas prendre le train.
Bon. Arrête de souffler, tu vas t'éparpiller et j'ai pas de balayette, je sais pas c'que j'en ai foutu.
Oui, ben... j'suis un peu bordélique en ce moment. Je rattrape le temps perdu, mon vieux. Bon, écoute moi Henry !!!
Je disais donc que je vais te poster.
Bah oui, dans un paquet ! Jaune. Un paquet rectangulaire jaune. Je te colle dedans, je te cale même avec le journal. Ecoute, comme c'est toi, et vraiment parce que c'est toi, je te prendrai le dernier journal pour que tu puisses lire les nouvelles fraîches.
Alors voilà. J'ai demandé si tu voyagerais en première ou en deuxième classe. Ben écoute, mon pauvre Henry, faudra que tu te contentes d'un train de marchandises. Ah m'énerve pas, hein ! J'y suis pour rien, j'bosse pas à la SNCF, moi ! Tu me l'as assez dit comme ça : je suis nouille. Ben voilà, ça se confirme. Tu vois, t'avais qu'à pas tenter le diable.
Bon. C'est moindre mal, le train de marchandises. Parce que en plus, tu seras pas sûr de voyager dans le sens de la marche. Euh... tu pourras pas fumer, mais bon, je ne pense pas que ce soit trop gênant, t'es un cendrier à toi tout seul, mon pauvre Henry.
Pardon ? ah oui. Ben écoute t'inquiète pas, j'ai tout prévu.
Le facteur n'en saura rien. Ben non, hein, j'allais pas expliquer à la poste que c'est toi qui sera dans le paquet, tout de même. Vu le prix demandé par les pompes funèbres, autant se payer la poste et se la boucler.
Voilà. Je t'offre la poste, Henry. C'est ta fille qui va être contente ! Grâce à toi, elle va nettoyer un bout d'étagère. Bon sang, c'que tu nous remues ! T'es remuant, Henry. Oui. J'espère que ta fille t'attend déjà. On ne sait jamais, par les temps qui courent...
Ben t'as plus qu'à prier pour pas finir poste restante.
Allez, Henry, j'te laisse encore une nuit dans la voiture. Profite bien.
Bonsoir Henry ! A demain !