les larmes du vent

REMARQUE : ce récit est tiré d'une thèse sur Jigoro KANO d'Yves CADOT, 6ème dan de judo, docteur de l'Université de Paris. Maître de conférence à l'Université de Toulouse.

LE JUDO EST-IL DE GAUCHE OU DE DROITE (fin)

CONCLUSION : ni droite ni gauche, bien au contraire

Pétri de valeurs traditionnelles, le judo ? Sans aucun doute. La notion même de valeurs aujourd'hui "date" le projet d'une autre époque, même si tous les sports continuent à s'en réclamer. Le modèle de Kano avait des points communs avec les préoccupations d'un Coubertin, mais aussi sans doute d'un autre contemporain, Baden-Powell le créateur du scoutisme (qui met en place ses camps pour la jeunesse à partir de 1909). La revalorisation des pratiques traditionnelles guerrières, antiques, pour former le citoyen moderne aux valeurs de courage, de loyauté et même d'honneur si l'on en croit le code moral du judo français... qui n'a pas grand chose à voir avec les principes mis en avant par Kano, lequel faisait en sorte de s'écarter du discours aristocratique japonais justement. Mais là où ses deux contemporains s'arrêtent dans l'ambiguïté (c'est particulièrement le cas pour Coubertin qui se montre très réactionnaire, voire proche des idéologies fascistes), Jigoro Kano prend son essor en philosophe et en théoricien (et amoureux) de l'éducation, prenant le contre-pied de la mentalité de son temps pour ouvrir le judo au monde et les écoles qu'il dirige aux roturiers, aux boursiers, aux étrangers, aux femmes. La force de Jigoro Kano est de transcender la dimension sociale, pour mieux y revenir, en ouvrant un espace fondamentalement symbolique, celui de la pratique. Dans cet espace parfaitement construit, les expériences et les valeurs ne sont pas contingentes, elles sont éternellement agissantes et bénéfiques. Et si son projet vise à la formation d'individus "utiles à la société", il met sans cesse en avant la dimension de réalisation personnelle. Réaliser l'individu pour améliorer la société. Un projet toujours moderne.
Aujourd'hui, le judo construit son image remarquablement positive sur une forme de pratique qui a peu bougé à travers le temps et qui réussit un mariage complexe et délicat : un parfum martial, une aura de rigueur et de respect des codes et des valeurs traditionnelles, dont le salut "japonais" est le symbole premier, mais dans une complète orientation éducative et d'accomplissement de soi, tout en s'ouvrant au monde de la santé et du sport. Merci Kano.

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