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souvenirs

rions un peu des cocus

Publié le par HITOYUME

SOUVENIRS

Rien que pour vous,lecteurs de "L'essentiel oublié", je descends ma braguette et je plonge la main dans mes souvenirs...

Voilà une donnée scientifique souvent vérifiée : personne ne peut ressentir intimement la souffrance de l'abandonné conjugal. Une victime d'un accident de la route, oui, ça nous touche. Un chômeur fraîchement licencié, c'est pas mal non plus. Un enfant orphelin, n'en parlons pas, ça marche à fond. Mais un type qui vous raconte que sa femme l'a quitté, honnêtement, hein, on s'en tape.
Ce n'est pas de l'indifférence, de l'absence d'humanité, c'est que, bon allez quoi, y a pas mort d'homme. Tant qu'on a la santé. Si au surplus, le gars est cocu, ça vous a un côté rigolo, boulevardier, découverte de l'amant en bretelles dans le placard, qui vous fait réprimer un petit sourire, et vous fiche le compassio-mètre à zéro. Par définition, le cocu ne peut pas faire pleurer sur son sort. Le cocu, c'est Fernandel. Ajoutez à cela qu'il est quand même un peu responsable. Si elle le trompe, il y bien une raison...
Tout ça n'est pas conscient dans notre esprit ricanant, bien sûr. C'est une pensée-réflexe issue de notre vieille culture populaire, le fond de cuve de notre intelligence.
Je le sais car j'ai moi-même côtoyé l'un de ces infortunés conjugaux. Cocufié, je ne sais pas, mais proprement largué à coup sûr. Je l'ai recueilli quelque temps à la maison. J'étais moi-même à l'époque en pleine bourre amoureuse, jouissant sans retenue de mon bonheur de couple et de mon insolente réussite sexuelle. Obersver les choses de ce piédestal change considérablement la manière de percevoir, ça me revient maintenant.
Au début donc, je réconfortais l'indigent, avec la bonne volonté du nanti, et force tapes dans le dos. A dire vrai, je me souviens que je ne ressentais aucune tristesse pour lui (étant par ailleurs, je le répéte, gavé d'amour). Je l'aidais simplement à passer ce mauvais moment. Mais rien de ce qu'il ressentait ne m'atteignait, j'étais plutôt condescendant (le vainqueur vis-à-vis de celui qui a chuté dans le dernier virage). C'est horrible à dire, mais je suis sûr que c'est le cas de chacun d'entre nous, confronté à un (ou une) largué (e) de fraîche date : on n'arrive pas à la prendre au sérieux.
Il n'y mettait pas du sien : des yeux de cocker, une manière de se prendre la tête entre les mains comme dans un téléfilm, et une démarche outrancièrement voûtée. Il en faisait beaucoup, à mon avis (mon avis de cette époque bénie). Il avait besoin de parler d'elle, sans cesse. La façon dont il la décrivait physiquement, si belle, ces petits détails qui l'émouvaient tellement, m'ont obligé à l'interrompre plusieurs fois ("mais de qui tu parles ? Ah oui, pardon..."), car personnellement je la trouvais plutôt moche, ce qui n'aide pas non plus à la compassion. Et toujours il s'interrogeait sur la raison pour laquelle elle l'avait quitté. Il n'en trouvait pas. Moi je lui en aurais bien trouvé quinze toutes aussi valables, mais un reste de lucidité m'intimait de les garder par devers moi.
Maintenant, me voilà seul à mon tour. Avec le recul, je déteste l'homme comblé que j'étais, et adresse mon pardon rétrospectif à ce frère de misère, dont le ridicule ne m'apparaît plus avec la même netteté. je n'exclus pas que mon sort actuel soit une forme de hjustice aveugle et sourde, comme je l'étais.

A  LUNDI

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